Navi Pillay, Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme a déclaré dimanche que près de 50 personnes ont trouvé la mort dans des manifestations postélectorales de jeudi à samedi en Côte d’Ivoire. Dans le même temps, les cas d’enlèvements se multiplieraient. L’Union européenne a pris ses premières sanctions à l’encontre de Laurent Gbagbo tandis que Le Conseil de sécurité de l’ONU a brandi la menace de nouvelles « sanctions ciblées », selon une résolution adoptée lundi. Les partisans du président désigné par le Conseil constitutionnel tentent de rassurer les ressortissants étrangers.
L’Onu constate une aggravation des violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, au moment où la communauté internationale, la France en tête, planche sur le type de sanctions à appliquer, pour faire fléchir Laurent Gbagbo. Ce dimanche, Navi Pillay, Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme a indiqué qu’au cours des trois derniers jours, les heurts entre les forces armées fidèles à Laurent Gbagbo et les partisans d’Alassane Ouattara ont fait près de 50 morts et plus de 200 blessés. La plupart des victimes ont trouvé la mort lors de la marche des pro-Ouattara à Abidjan jeudi, où les forces de l’ordre sont accusées d’avoir tiré à balles réelles pour repousser les manifestants. De leur côté, les alliés de Laurent Gbagbo ont fait état de 20 morts, dont 10 parmi les forces de l’ordre. Selon eux, certains manifestants étaient armés lors des incidents de jeudi.
L’Onu qui a décidé de maintenir ses soldats en Côte d’Ivoire en dépit de l’injonction de Gbagbo de les retirer s’inquiète également de la multiplication des enlèvements. Citant des centaines de témoignages recueillis par la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), Navi Pillay a fait état de l’implication des forces de sécurité et d’individus armés dans ces exactions qui se solderaient par des assassinats. «Des personnes enlevées sont conduites par la force vers des lieux illégaux de détention, où elles sont détenues secrètement, sans aucune accusation. Certaines ont été retrouvées mortes dans des circonstances troubles», a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Les soldats français en alerte
Dans l’Hexagone, l’inquiétude monte au sujet des des français vivants en Côte d’Ivoire. Dans un communiqué publié ce lundi, Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, parti d’extrême droite française, a estimé qu’en lançant un ultimatum à Laurent Gbagbo, Nicolas Sarkozy a commis « une faute politique » qui « met en péril » les 950 militaires de la force Licorne stationnée en Côte d’Ivoire et les ressortissants français dans ce pays. « Monsieur Sarkozy a fait une faute politique qui, au vu des affrontements prévisibles entre partisans ivoiriens, met en péril le contingent militaire français, la communauté des 15 000 ressortissants français et plus généralement nos intérêts nationaux », a-t-il déclaré.
Invitée dimanche soir sur le plateau de l’émission Internationale, diffusée sur TV5 en partenariat avec RFI et Le Monde, Michèle Alliot-Marie, la ministre française des Affaires étrangères a invité Laurent Gbagbo à retenir ses troupes, s’il « ne veut pas avoir de morts sur la conscience ». « M. Gbagbo n’a plus aujourd’hui les moyens de discuter avec l’extérieur. Il lui revient dans les heures qui viennent de faire un choix : est-ce qu’il va être quelqu’un qui restera dans l’Histoire comme un démocrate ou est-ce quelqu’un qui va laisser l’image de celui qui aura fait tirer sur des Ivoiriens ? », a-t-elle déclaré. Interrogée sur le rôle que pourrait jouer les 950 soldats français de l’opération Licorne stationnés en Côte d’Ivoire, elle a laissé entendre ceux-ci ne « sont pas là pour s’interposer entre les Ivoiriens ». Elle a toutefois ajouté qu’ils répliqueraient, s’ils sont « directement attaqués » : « Vous avez des règles internationales, il y a un droit à la légitime défense lorsque l’on est attaqué, c’est valable pour toutes les armées et pour tous les militaires du monde. Mais il n’est pas question de prendre une initiative en la matière ». Elle a précisé que les soldats tricolores se tenaient par ailleurs prêts à évacuer les ressortissants français si la situation l’exigeait.
De son côté, le camp Gbagbo s’active à rassurer les étrangers. En tournée samedi et dimanche à Yopougon et à Port-Bouët, Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes et récemment nommé ministre de la Jeunesse du gouvernement Gbagbo a invité ses partisans à ne pas s’attaquer aux personnels des organisations internationales ni aux ressortissants et biens français.
La menace des sanctions se précise
Pour Navi Pillay, les violations de droits de l’Homme observées ces derniers jours en Côte d’Ivoire ne sauraient restées impunies. « Lorsque des gens sont victimes de meurtres extrajudiciaires, il faut qu’il y ait une enquête, et certains doivent rendre des comptes», a-t-elle déclaré. Ce lundi, l’Union européenne a décidé de priver de visas d’entrée sur son territoire Laurent Gbagbo ainsi que 18 personnes de son entourage. La décision qui doit encore être approuvée d’ici mercredi par les 27 Etats-membres pourrait s’étendre au gel des avoirs personnels de Laurent Gbagbo à l’étranger. Dimanche soir, Michèle Alliot-Marie avait également évoqué le retrait de sa signature sur les comptes du pays. Jeudi dans un entretien à la télévision France 24, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo a prévenu qu’il engagerait des poursuites contre quiconque serait responsable de violences meurtrières en Côte d’Ivoire. « S’ils commencent à tuer des gens, alors c’est un crime et nous engagerons des poursuites contre eux », a-t-il déclaré. Il a ajouté : «Nous n’avons choisi aucun camp dans cette affaire. Quiconque se rend coupable de cela (des crimes), quel que soit son bord, sera poursuivi.»
Dimanche à Paris, quelques centaines d’Ivoiriens ont manifesté en soutien à Laurent Gbagbo. La manifestation a dégénéré lorsque le groupe a fait face, Place de la République, à des partisans d’Alassane Ouattara. Plusieurs personnes ont été blessées.