L’affrontement entre l’armée régulière ivoirienne et l’ex-rébellion des Forces Nouvelles menace dangereusement. Les premiers tirs ont été échangés lundi alors que la Garde nationale, fidèle à Laurent Gbagbo, tentait de bloquer l’Hôtel du Golf, qui abrite le camp d’Alassane Ouattara. Un événement qui place un peu plus l’armée au cœur de la crise ivoirienne.
A-t-on assisté à l’étincelle tant redoutée? Les premiers accrochages entre l’armée régulière et les Forces nouvelles (FN) ont eu lieu ce lundi à proximité de l’Hôtel du Golf. Des éléments de la Garde républicaine commandés par le général Bruno Dogbo Blé ont déployé aux premières heures de la matinée des blindés légers aux alentours du bâtiment dans lequel est retranché le gouvernement Ouattara. Une intrusion à laquelle des membres des FN, appuyés d’une soixantaine de Casques bleus, ont répondu en ouvrant le feu en direction de la Garde républicaine sans faire de victimes. L’armée ivoirienne bloquait toujours lundi soir le QG d’Alassane Ouattara.
Cet accrochage intervient au moment où différents acteurs militaires se sont exprimés ces derniers jours, plaçant définitivement les Forces armées nationales de la Côte d’Ivoire (Fanci) au centre du bras de fer entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo.
Dimanche, le général Brunot Blé Dogbo, chef de corps de la Garde Républicaine, Commandant militaire du Palais, s’en est pris à Young-Jin Choi, représentant spécial de l’ONU pour la Côte d’Ivoire au cours d’un discours aux accents guerriers. Réaffirmant son allégeance à Laurent Gbagbo, il a notamment appelé à «?déloger et à libérer l’Hôtel du Golf?». Au même moment, le général Philippe Mangou, chef d’Etat major de l’armée loyaliste, a mis en garde les forces armées de l’ONU. «Nous conseillons tout simplement à nos frères des Forces impartiales (Onuci et Licorne, ndlr) de ne plus jamais avoir sur leurs mains le sang des Ivoiriens », a-t-il affirmé, en référence aux évènements de 2004 pendant lesquelles un bombardement de l’aviation ivoirienne avait entrainé la mort de 9 soldats français à Bouaké (centre) et plus de 50 manifestants ivoiriens étaient tombés à Abidjan sous le balles de soldats français.
Un soutien indéfectible?
Ces déclarations confirment le rapide soutien des chefs de l’armée loyaliste ivoirienne, qui contrôle le sud du pays, apporté au président sortant. S’il est aujourd’hui très compliqué de juger de l’intensité du soutien de l’armée régulière à Laurent Gbagbo, ce dernier dispose pour d’un avantage certain sur Alassane Ouattara. Depuis la crise de 2002, pendant laquelle des sous-officiers loyalistes avaient fait défection en rejoignant la rébellion, l’armée régulière a cristallisé ses positons et resserré ses rangs. Les milliers d’hommes recrutés depuis, que l’on retrouve principalement au sein de la Garde Républicaine et du Cecos, une unité créée pour lutter contre le grand banditisme à Abidjan et qui a pris une place centrale dans le dispositif sécuritaire du pouvoir, sont acquis à la cause de Laurent Gbagbo. Celui-ci se serait aussi assuré du soutien des officiers généraux de la gendarmerie, de la police et de l’armée, les menaçant de les faire tomber avec lui.
Pour autant, Alassane Ouattara ne désespère pas de rallier l’armée régulière à sa cause. Conscient qu’elle peut débloquer la situation, Guillaume Soro a appelé jeudi les forces armées loyalistes à reconnaître la légitimité d’Alassane Ouattara. Si pour l’instant cet appel n’a pas eu d’échos officiels, le camp Ouattara croit encore à des défections. «?On a été contacté par plusieurs officiers des Fanci (Forces armées nationales de Côte d’Ivoire). C’est clair que ce n’est pas toute l’armée qui soutient Gbagbo?», confiait même un proche de Guillaume Soro à l’AFP.
Le soutien de l’armée contribue à maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir. Mais la Grande muette est-elle complètement unie derrière lui? Et, si oui, combien de temps le sera-t-elle? Henri Konan Bédié disposait de soutiens au sein de l’armée. Son ralliement à Alassane Ouattara après le 1er tour de l’élection présidentielle entraînera-t-il celui d’une partie des militaires? Le comportement des forces armées devrait être l’une des clés du dénouement de la crise ivoirienne.