Après son arrestation le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo a comparu mercredi pour son audience à la Cour Pénale Internationale. L’audience intervient dans un contexte très tendu. Les pro-Gbagbo réclament la libération de leur mentor et parlent d’une « affaire purement politique », tandis que le camp de Alassane Ouattara crie victoire et déclare que justice a été bien rendue. Décryptage.
Deux jours après l’Audience de Laurent Gbagbo, la classe politique ivoirienne reste toujours très divisée. D’une part les pro-Gbagbo réclament la libération de leur mentor et parlent d’une « affaire purement politique », tandis que le camp de Alassane Ouattara crie victoire et déclare que justice a été bien rendue.
Le procès de Laurent Gbagbo à la CPI a relancé la querelle entre partisans de l’ancien président de la Côte d’Ivoire et pro-Ouattara, le nouveau chef d’Etat du pays. Le pays vient tout récemment de traverser une grave crise politique dont les victimes sont aujourd’hui estimées à plus de 3.000. L’arrivée de Alassane Ouattara au pouvoir en 2010 suite à une élection très controversée n’a, selon ses détracteurs, pas apporté un grand miracle.
Les points de vue divergent. Les partisans et les détracteurs se heurtent.
Après une décennie de conflit politique, la Côte d’Ivoire est-elle sortie des ornières ? La hache de guerre est-elle réellement enterrée au nom de la réconciliation nationale ?
Afrik.com est allé à la rencontre de deux principaux acteurs politiques de la Côte d’Ivoire en vue de s’enquérir de la situation et essayer d’apporter des éléments de réponses.
De passage à Paris, Joël Nguessan, ancien ministre des Droits de l’Homme sous la présidence de Laurent Gbagbo en 2007 et principal porte-parole du parti Rassemblement des Républicains (RDR) actuellement au pouvoir, a accepté de nous accorder une interview.
« Le bilan du président Ouattara est positif »
Interrogé sur la récente vague d’arrestations des anciens collaborateurs de Laurent Gbagbo et sur une éventuelle recrudescence de la violence en Côte d’Ivoire, l’ancien ministre des Droits de l’homme n’y va pas de main morte : « Nous les avons arrêtés et extradés en Côte d’Ivoire avec l’appui du Ghana parce que ces gens-là représentent une menace pour la stabilité du pays. Ils étaient en train de préparer un complot pour déstabiliser la paix sociale. D’ailleurs, la police a même saisi des vidéos dans lesquelles ces hommes-là se proclamaient prochains leaders du pays. Le FPI (Front Populaire Ivoirien) parle d’amnistie. Il ne peut pas y avoir d’impunité. Des gens qui ont commis des crimes pareils doivent payer. 500 mille personnes ont été tuées en 2004 par les troupes de Gbagbo alors qu’elles marchaient pour réclamer l’application de l’Accord de Marcoussis. Une fois que la justice aura fini de faire son travail, on pourra parler de réconciliation nationale. D’ailleurs, on leur a rendu service car si on les laisse libres, la population va se venger sur eux. Le bilan est vraiment positif ».
L’ancien ministre parle d’une Côte d’Ivoire émergente d’ici 2020 et se dit très optimiste quant à l’avenir du pays. Un optimisme qui est loin de faire l’unanimité.
« La violence est quotidienne en Côte d’Ivoire »
Joint par Afrik.com, Alain Toussaint, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo nous livre son opinion concernant l’audience de son mentor et la situation du pays. « On ne peut pas faire abstraction du volet politique dans cette audience. C’est une affaire politique. Les charges qui sont retenues contre Laurent Gbagbo ne tiennent pas debout. Laurent Gbagbo avait bien gagné les élections de 2010. Mais à cause d’un hold-up électoral, les choses en sont arrivées là ».
Alain Toussaint considère qu’Alassane Ouattara est « le père de la rébellion ». Pour lui, ce dernier ne peut donner aucune chance à la « réconciliation nationale ». Interrogé sur les vidéos saisies par la police ivoirienne mettant en scène d’anciens collaborateurs de Gbagbo, il parle de plaisanterie : « C’est une plaisanterie. Ce sont des allégations mensongères ». L’ancien bras droit de Laurent Gbagbo déplore le surendettement de son pays en moins de deux ans par le régime de Alassane Ouattara. « La Côte d’Ivoire ne s’est jamais aussi mal portée que sous la présidence d’Alassane Ouattara » lance-t-il.
Sur le plan de la sécurité intérieure, Joël Nguessan note que l’indice de sécurité est passé de 4 à 1. Alain Toussaint dément. « La violence est quotidienne en Côte d’Ivoire. Le désarmement n’existe pas. Ce qui existe c’est la chasse aux pro-Gbagbo ».
Le conflit est-il terminé ?
Aujourd’hui, le pays est en phase de « réconciliation nationale ». Mais la division profonde entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara empêche toute tentative de dialogue. Le fossé entre les deux groupes est encore grand. En attendant une prochaine audience de Laurent Gbagbo, le pays entier retient tout son souffle. Un nouveau bouleversement n’est pas à exclure. La hache de guerre n’a semble-t-il pas été enterrée.