Les médiateurs de l’Union africaine et de la Cédéao sont repartis lundi de la Côte d’Ivoire sans avoir pu avancer dans la résolution de la crise. Pour Alassane Ouattara, les discussions sont terminées. Laurent Gbagbo souhaite un recomptage des voix pendant que la tension s’accroît dans le pays. La Cédéao entend prendre de nouvelles décisions.
Un deuxième voyage pour presque rien dans un pays où la crise s’accentue de jour en jour. Les médiateurs de l’Union africaine et de la Cédéao ont quitté Abidjan lundi soir, sans avoir pu obtenir d’avancée significative dans la résolution de la crise ivoirienne, au moment où des informations font état de la résurgence d’affrontements interethniques à l’ouest du pays. Le Premier ministre kényan Raila Odinga, médiateur de l’Union africaine et les présidents Boni Yayi (Bénin), Ernest Koroma (Sierra Leone) et Pedro Pires (Cap-Vert), représentants de la Cédéao, ont rencontré lundi dans la journée Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les deux présidents proclamés de la présidentielle du 28 novembre, comme ils l’avaient promis. Mais au moment de leur départ dans la soirée, ils n’avaient pas rempli la mission qui leur était assignée, celle de convaincre le président sortant, Laurent Gbagbo, de quitter le pouvoir. « A ce stade, nous pouvons seulement dire que les discussions continuent », a laissé entendre Ernest Koroma lundi soir, après la deuxième rencontre du jour avec Laurent Gbagbo.
Les émissaires de l’Union africaine et de la Cédéao ont rencontré ce mardi à Abuja au Nigeria, le président en exercice de la Communauté et chef de l’Etat nigérian, Goodluck Jonathan, pour lui rendre compte de leur mission. Quittant temporairement cette réunion, Goodluck Jonathan a indiqué aux journalistes que la crise ivoirienne était toujours « dans l’impasse ». La cédéao avait brandi la menace d’une intervention militaire en cas d’échec de l’approche diplomatique. La semaine dernière, Goodluck Jonathan avait promis des décisions dès l’issue de la rencontre de ce mardi.
Finies les discussions selon Alassane Ouattara
Pour Alassane Ouattara, « les discussions sont terminées.» Celui que la communauté internationale considère comme le véritable vainqueur de la présidentielle a appelé Laurent Gbagbo à « quitter le pouvoir ». Son camp a également démenti une information annoncée par Raila Odinga mardi, selon laquelle il était disposé, « sous certaines conditions », à rencontrer son adversaire. « C’est totalement faux. Cette proposition a été faite par Odinga et nous l’avons totalement rejetée a déclaré Ali Coulibaly, conseiller diplomatique d’Alassane Ouattara. Commentant la deuxième visite des médiateurs africains, depuis l’hôtel du Golf où il vit retranché comme son patron sous la protection des casques bleus, Guillaume Soro, le premier ministre du gouvernement Ouattara, a déclaré que c’était « la dernière chance pour M. Gbagbo d’obtenir la possibilité d’une transmission pacifique de pouvoir et d’une garantie d’immunité. »
De leur côté, la Banque mondiale et la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest ont annulé la signature de Laurent Gbagbo. Des pressions financières qui viennent s’ajouter à un embargo sur ses voyages et ceux de ses proches, imposé par les Etats-Unis et l’Union européenne. Dans une démarche de facilitation, Washington s’est dit prêt à « envisager » l’octroi de l’exil à Laurent Gbagbo, à sa demande. Une offre qui n’a suscité aucun commentaire de la part de l’intéressé.
Laurent Gbagbo veut un recomptage des voix
Laurent Gbagbo reste en effet inflexible. « Nous n’allons pas céder », avait-il déclaré lors de ses vœux de nouvel an. Samedi, il a de nouveau exigé le départ de l’Onuci, composée de 9 000 hommes, qu’appuient 900 soldats français de l’opération Licorne. Il les a accusés – déclaration démentie par l’Onuci- d’avoir tiré sur des civils, faisant référence à un incident ayant impliqué, mercredi, des Casques bleus à une foule à Abobo (nord d’Abidjan). Après avoir réclamé sans succès la mise sur pied d’un « comité d’évaluation » international sur la crise postélectorale, Laurent Gbagbo souhaite désormais le recomptage des voix. Il l’a fait savoir par le biais des deux avocats français, Jacques Verges et Roland Dumas, qu’il a recrutés pour défendre sa cause. Dimanche à Abidjan, où ceux-ci ont séjourné trois jours, ils ont déclaré qu’ils souhaitaient que cette opération soit réalisée « sous contrôle international. » « Faisons le décompte, je ne vois pas qui de bonne foi peut le refuser », a déclaré Jacques Vergès. « Nous avons trouvé quelqu’un de décidé à faire éclater la vérité sur certaines choses et à sortir de cette crise, pas à n’importe quel prix », a ajouté Roland Dumas.
Pendant ce temps, les risques d’une extension des violences postélectorales hors d’Abidjan, où selon l’Onu près de 200 personnes auraient déjà été tuées se précisent. Selon une information reprise par plusieurs sites ivoiriens, des affrontements interethniques entre Dioula et Gueré ont éclaté dans la ville de Duékoué, à 500 kilomètres d’Abidjan dans l’extrême ouest du pays, faisant au moins deux morts. Un couvre feu aurait été décrété dans la localité où l’armée serait déployée.