C’est par déclarations interposées que les deux présidents ivoiriens s’affrontent depuis quelques heures. Isolés, les proches de Laurent Gbagbo s’en prennent à la France et à l’ONU, qu’ils accusent d’organiser les troubles. Des tirs de mortiers et une roquette des pro-Gbagbo ont ciblé l’ambassade de France à Abidjan vendredi soir.
La meilleure défense, c’est l’attaque. Au lendemain du discours d’Alassane Ouattara appelant à la réconciliation, son rival, Laurent Gbagbo, reste retranché dans le bunker de sa résidence, dans le quartier du Plateau et ses proches se démènent pour minimiser son isolement. « Laurent Gbagbo ne démissionnera pas, il n’est pas bunkerisé (…) il est confortablement installé dans son fauteuil présidentiel », a indiqué son conseiller Alain Toussaint lors d’une conférence de presse à Paris vendredi après-midi. La prise de parole se veut rassurante, alors que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a déclaré ce matin « l’ère Gbagbo (sera) bientôt close ». Dans son discours, diffusé jeudi soir sur sa chaîne, Télévision Côte d’Ivoire (TCI), Alassane Ouattara a affirmé qu’un « blocus a été établi autour du périmètre » de la résidence présidentielle, où son rival « s’est retranché avec des armes lourdes et des mercenaires », refusant de négocier.
Haro sur la France
La France est accusée par le camp Gbagbo d’utiliser les armes pour faciliter l’installation d’Alassane Ouattara au pouvoir. Une implication sanctionnée par des représailles. Vendredi soir, la résidence de l’ambassadeur de France à Abidjan, située près de celle du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, a été la cible de tirs d’armes lourdes des forces pro-Gbagbo. C’est la deuxième fois en moins de 48 heures qu’elle fait l’objet d’une attaque, alors que l’ancienne puissance coloniale est la cible de nombreuses critiques du camp Gbagbo.
« La France mène une guerre d’agression en Côte d’Ivoire », a ainsi avancé cet après-midi Jacques Vergès, l’avocat de Laurent Gbagbo, célèbre pour ses combats anticolonialistes. Il fait ici référence aux frappes aériennes menées lundi soir puis mercredi par des hélicoptères de l’ONUCI et de la force Licorne. « Nous accusons Sarkozy d’être le principal organisateur des troubles en Côte d’Ivoire, c’est lui qui est à la manœuvre empêchant toute tentative de dialogue », a affirmé Alain Toussaint. La France, qui pourrait avoir pris part au blocus du palais présidentiel selon « plusieurs sources internationales », dixit Le Figaro et selon Alassane Ouattara, a catégoriquement démenti cette information. Si elle s’avérait fondée, la force Licorne présente en Côte d’Ivoire serait délibérément sortie du cadre de la résolution 1975 autorisant le recours à « tous les moyens nécessaires pour prévenir l’usage d’armes lourdes ». Les proches de Laurent Gbagbo accusent également Nicolas Sarkozy d’avoir « promis la place de président à Alassane Ouattara », ce qui expliquerait, selon eux, sa participation aux négociations entre les deux présidents. Paris réclame que Laurent Gbagbo signe un document pour reconnaitre l’élection de son rival. « On a jamais demandé à Pétain de crier « Vive De Gaulle » alors pourquoi demander à Gbagbo de reconnaître qu’il n’est pas président ? », a comparé Jacques Vergès avant de conclure : « L’opinion française à une lourde responsabilité à tenir puisque l’implication militaire est faite en son nom ».
Refus de réconciliation nationale
Le président reconnu par la commission électorale et la communauté internationale a pris les devants de l’affrontement politique en endossant pleinement l’habit du chef d’État ivoirien jeudi soir. Une démarche qui a profondément irrité le clan Gbagbo. « Comment peut-il s’adresser ainsi à la nation qu’il est en train de balafrer à coup de mitraillettes », a réagit Alain Toussaint. Dans son allocution, Alassane Ouattara a notamment appelé le peuple ivoirien à la réconciliation nationale : « Que vous soyez chrétien, musulman ou de toute autre confession, que vous ayez voté pour moi ou pas, j’en appelle solennellement à votre sens de la responsabilité et de la dignité qui a toujours caractérisé notre peuple. Je vous invite à vous abstenir de tout acte de vengeance ». Les proches du président sortant dénoncent un « discours d’imposteur ». « Ouattara n’est pas un réconciliateur, c’est l’homme de la division », a déclaré Jacques Vergès lors du point presse. L’avocat de Laurent Gbagbo a également prédit qu’Alassane Ouattara « ne sera jamais président de la Côte d’Ivoire, qu’il s’agit d’un arrangement entre amis ». Charles Blé Goudé, leader des Jeunes patriotes et ministre de la jeunesse de Laurent Gbagbo, a appelé vendredi dans un entretien à France 24 à un « dialogue inter-ivoirien ». Il a cependant prévenu qu’il n’y aurait « pas de réconciliation sans Laurent Gbagbo » dans le pays.
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