L’Union Africaine (UA) va-t-elle prendre acte des doléances du camp Ouattara ? L’institution panafricaine a désigné samedi l’ex-ministre cap-verdien des Affaires étrangères, José Brito, comme médiateur de la crise ivoirienne. Mais il se pourrait qu’elle change d’avis, le président reconnu par la communauté internationale s’étant opposé à sa désignation. Un blocage supplémentaire dans des négociations déjà difficiles. Sur le terrain, l’heure est à l’offensive à l’ouest, côté Ouattara, tandis que le camp Gbagbo mobilise à Abidjan.
L’UA pensait avoir fait un pas en avant avec la désignation de José Brito comme médiateur dans la crise qui oppose le président sortant ivoirien, Laurent Gagbo, à Alassane Ouattara, reconnu par la communauté internationale. Mais son choix pourrait s’arrêter sur un nouvel arbitre dans les jours qui suivent à en croire l‘intéressé dans une interview accordée lundi à RFI. « Nous (UA) attendons maintenant les discussions pour savoir s’il est possible de trouver un médiateur qui bénéficie de l’accord des deux parties », a déclaré l’ex-ministre cap-verdien des Affaires étrangères.
Un arbitre à la neutralité contestée
L’UA a nommé samedi José Brito en tant que Haut représentant chargé de négocier la mise en place d’un gouvernement d’ouverture et une sortie « honorable » à Laurent Gbagbo. Peine perdue. Si Laurent Gbagbo s’est dit favorable au choix du médiateur désigné par l’organisation panafricaine, Alassane Ouattara s’y est opposé, « compte tenu des relations personnelles et des accointances politiques (de José Brito), connues de tous avec le président sortant, Laurent Gbagbo ». Des liens personnels que l’ancien ambassadeur et ex-ministre des Affaires étrangères du Cap-Vert n’a pas démentis. « Je pense que ce qu’il faut en ce moment c’est qu’il y ait des personnes qui parlent avec les deux parties. Et dans ce cadre, le fait d’être ami du président Gbagbo peut être utile pour pouvoir parler avec lui », a-t-il déclaré. Le camp du président reconnu par le Conseil constitutionnel ivoirien, n’a pourtant pas manqué de rappeler qu’en dépit de ces accusations, le Cap-Vert est un pays neutre : « Le Cap Vert a toujours fait preuve de neutralité dans le conflit. Et un bon arbitre doit être neutre », a affirmé Ahoua Don Mello, le porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo.
Des négociations difficiles
Le refus d’Alassane Ouattara constitue une impasse supplémentaire dans des négociations déjà difficiles entre les deux camps. L’appel au dialogue inter-ivoirien de Laurent Gbagbo de vendredi, après l’échec de l’opération séduction auprès des chancelleries occidentales, s’est heurté au silence de son rival. Une nouvelle main tendue du président sortant au moment où il se trouve de plus en plus menacé par le rouleau compresseur de la communauté internationale. La France a déposé vendredi un projet de résolution qui interdit l’usage des armes lourdes à Abidjan et reconnaît officiellement Alassane Ouattara comme le président de la Côte d’Ivoire. Le projet sera examiné dans les prochains jours. La communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (cedeao), qui s’est réunie mercredi et jeudi dernier, a tenté elle aussi de trouver des solutions de sortie à la crise post-électorale ivoirienne. La Cedeao a demandé le renforcement des missions de l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (onuci) « pour faciliter le transfert du pouvoir à M. Alassane Ouattara ». Le mois dernier, l’UA avait désigné un panel de chefs d’Etats pour émettre des propositions de sortie de crise, sans succès.
L’heure est à l’offensive côté Ouattara et à la mobilisation côté Gbagbo
Si la crainte d’une guerre civile s’accroît de jour en jour, pour le moment, sur le terrain, l’heure est à l’offensive côté Ouattara et à la mobilisation côté Gbagbo. Les Forces républicaines, pro-Ouattara, ont lancé tôt dans la matinée de lundi une vaste offensive dans la ville stratégique de Duékoué et celle de Guiglo, situées à l’ouest du pays. « Nos positions ont été attaquées par des rebelles dès 05H00 (locales et GMT) », a affirmé à l’AFP un militaires des forces de sécurité et de défense (FDS), fidèles à Laurent Gbagbo. Il a ajouté que « Les tirs venaient de partout, on avait l’impression d’avoir été encerclés et qu’ (ils) ont réussi un repli tactique ». Seydou Ouattara, le porte-parole militaire des forces républicaines a indiqué qu’elles ont « engagé les hostilités pour sécuriser le Grand Ouest, en particulier Duékoué et Guiglo, où des miliciens sèment la terreur ». Il prévoit de prendre les deux villes ce lundi. Duékoué est un carrefour de l’ouest ivoirien dont la route de l’est mène à la capitale politique Yamoussoukro et celle du sud au plus grand port San Pedro.
Samedi, des milliers de partisans de Laurent Gbagbo se sont ressemblés près du palais présidentiel à Abidjan, dans le quartier du Plateau. Charles Blé Goudé , le chef des « Jeunes patriotes » fidèles au président sortant est à l’initiative de cette mobilisation d’envergure qui s’est achevée le lendemain matin. Au programme, meeting, concerts, veillée de prière et prestations d’artistes, selon PANA. Ces festivités « pour montrer aux yeux du monde entier que Laurent Gbagbo est le président élu et le président majoritaire en Côte d’Ivoire ». Charles Blé Goudé a chiffré à 100 000 le nombre de personnes enregistrées auprès de l’état-major pour s’enrôler dans l’armée. Ce dernier avait appelé le 19 mars la jeunesse ivoirienne pro-Gbagbo à intégrer l’armée pour défendre leur président.
La situation sur le terrain en Côte d’Ivoire est de plus en plus préoccupante. Des armes lourdes sont utilisées contre les populations civiles. Les affrontements entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara ont fait depuis l’élection de novembre dernier près de 460 morts, et le nombre de déplacés s’évalueraient à près d’un million selon le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU (UNHCR).