‘Les Patriotes’ du Président Laurent Gbagbo ont bloqué la ville d’Abidjan, mercredi matin, pour empêcher la tenue des audiences foraines, prévues pour le recensement des ‘sans papiers’ par la feuille de route du sommet de Yamoussoukro. Le même jour, les Nations Unies se sont dites prêtes à « des sanctions ciblées contre les personnes » qui bloqueraient la bonne voie vers les élections prévues fin octobre prochain.
Par Christelle Sélom Mensah
Bloquer le processus de paix pour obtenir le désarmement ! A l’appel du FPI (Front Populaire Ivoirien, au pouvoir), ‘les Patriotes’ abidjanais ont bloqué la capitale économique de Côte d’Ivoire mercredi matin. Objectif : empêcher la tenue des audiences foraines, démarrées officiellement lundi dernier, qui visent à identifier près de 3,5 millions d’Ivoiriens ‘sans papiers’ en prévision des élections. Les deux quartiers bloqués sur les trois concernés, auraient retrouvé une circulation normale mercredi soir. Le Conseil de sécurité de l’ONU a annoncé être disposé à prendre « des sanctions ciblées » contre ceux qui s’opposeraient à la bonne marche du processus de paix. La feuille de route, signée entre les rebelles et le chef de l’Etat ivoirien, lors du sommet de Yamoussoukro le 5 juillet dernier, vise à rendre possible les élections présidentielles prévues pour la fin octobre de cette année. En septembre 2002, le Président Gbagbo a essuyé une tentative de coup d’état au cours de laquelle les rebelles ont pris le Nord du pays, actuellement toujours en leur possession.
Le besoin d’un recensement avant élection
En Côte d’ivoire, il existerait 3.5 millions de ‘sans papiers ‘ selon l’estimation du gouvernement. Beaucoup d’entre elles n’ont jamais été déclarées à l’état civil. Depuis deux ans, le délai initial de 15 jours pour le faire a été repoussé à deux mois, laissant plus de temps aux familles. Cependant, tout le monde n’est pas suffisamment au fait de ces démarches administratives pour le faire systématiquement. Une fois le délai passé, il faut se rendre devant le Tribunal avec des témoins pour prouver la bonne foi de ses informations. L’éloignement constitue un frein supplémentaire à cet enregistrement. Lorsque les locaux administratifs se trouvent loin du lieu de naissance, les parents remettent souvent les choses à plus tard, par manque d’argent ou de temps.
L’enjeu de ce recensement est de limiter les fraudes, à la veille des élections très attendues. Les gens devant être recensés dans leur ville de naissance. Même des adultes sont concernés par ces audiences foraines, car beaucoup n’ont jamais existé administrativement. Durant la période électorale, il faudra justifier de son identité avant de pouvoir accomplir son devoir citoyen. Si tout le monde est tombé d’accord sur le principe et le besoin de faire ces audiences, reste le problème de l’application de celle-ci.
Une feuille de route en lambeaux ?
« Un seul point qui soit vraiment important, c’est le problème de la sécurité! (…) Je pense que le moment est venu de régler le problème du désarmement. Une fois que cela est réglé, il n’y aura plus de problème», a déclaré mercredi le Président ivoirien. Dans la zone gouvernementale contrôlée par les loyalistes, tous les représentants des partis en présence peuvent assister à la tenue des audiences. Ce qui n’est pas le cas dans le Nord du pays. Le corps préfectoral a fui cette région, pour se réfugier plus au Sud. Leur sécurité n’est pas encore assurée pour leur permettre de regagner leurs circonscriptions. Une réunion est prévue, à ce sujet, entre les préfets et le Premier ministre Konan Banny. Mais la date n’a pas encore été communiquée.
Après le blocage de la capitale, le GTI (Groupe de Travail International) préparerait même une nouvelle liste de personnalités à sanctionner, selon un diplomate Onusien, qui a souhaité garder l’anonymat. La feuille de route prévoyait le désarmement en trois étapes. Une de pré-regroupement, une autre de regroupement, et enfin une dernière de désarmement. La première phase implique que les hommes armés cessent de circuler dans les rues pour se concentrer dans les casernes. Une étape validée côté loyaliste depuis un mois. Reste à ce qu’elle soit appliquée, côté rebelle. Disséminés sur 75 sites, les rebelles se sont regroupés en 50 sites. Selon le Premier ministre, 45 auraient respecté la première phase. Des faits pas encore vérifiés sur place par le médiateur.
Cette étape devait être finie pour la bonne tenue des audiences foraines. La feuille de route accuse un retard en terme de désarmement, comme le dénoncent les Patriotes, qui ont bloqués les quartiers de Cocody, de Koumassi, de Treichville et de Yopougon. Le temps des audiences foraines est estimé à deux mois. Une fois réalisée, il faudra procéder à l’identification. Mais dans le contexte actuel, on peut raisonnablement s’interroger sur la bonne tenue des audiences foraines.