Les tensions entre la Côte d’Ivoire et la junte militaire nigérienne se sont intensifiées après des accusations formulées par le général Abdourahamane Tchiani, chef de la junte au pouvoir au Niger. Dans un communiqué publié le samedi 27 décembre 2024, le général de division Lassina Doumbia, chef d’état-major des armées ivoiriennes, a fermement rejeté les accusations selon lesquelles les Forces Armées ivoiriennes seraient impliquées dans la formation militaire d’irrédentistes nigériens réfugiés en Côte d’Ivoire, dans le but de déstabiliser le régime issu du putsch du 26 juillet 2023.
Les propos du général Tchiani, diffusés dans un entretien de deux heures à la télévision nationale nigérienne, le 25 décembre 2024, ont mis en cause plusieurs pays de la région, dont la Côte d’Ivoire, dans des tentatives de déstabilisation du Niger. Tchiani a notamment affirmé que des forces étrangères, y compris celles du Nigeria, avaient collaboré avec la France pour financer et former des groupes terroristes sur le territoire nigérien. Selon lui, la Côte d’Ivoire, en partenariat avec d’autres membres de la CEDEAO, participerait à cette opération en soutenant des éléments visant à nuire à son gouvernement.
« Fidèles à notre mission de garantir la paix et la sécurité »
Dans sa réponse, le général Lassina Doumbia a exprimé son étonnement face à ces accusations graves et a souligné qu’elles étaient non seulement infondées, mais aussi susceptibles de semer le doute sur la coopération historique entre la Côte d’Ivoire et ses voisins de la sous-région. Le chef d’état-major ivoirien a réaffirmé l’engagement de l’armée ivoirienne à œuvrer pour la paix et la stabilité de la région, conformément à sa longue tradition de coopération avec les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. « Nous restons fidèles à notre mission de garantir la paix et la sécurité, tant au niveau national que régional », a précisé Doumbia.
Le général a également invité les autorités militaires nigériennes à se concentrer sur leurs défis sécuritaires internes, qui, selon lui, demeurent non résolus. Il a souligné que la situation au Niger nécessitait une attention particulière pour traiter les problèmes de sécurité qui affectent le pays, notamment les attaques terroristes qui frappent régulièrement ses régions périphériques.
La réaction de la CEDEAO
Les accusations formulées par le général Tchiani ont rapidement attiré une réponse de la part de la Commission de la CEDEAO. Le 26 décembre 2024, l’organisation régionale a exprimé sa « profonde préoccupation » face aux allégations du chef de la junte nigérienne. Dans un communiqué, la CEDEAO a réaffirmé son soutien à ses États membres et a rejeté toute accusation de complot ou d’interférence dans les affaires internes du Niger. Cette réaction met en exergue les tensions croissantes au sein de la sous-région, exacerbées par les récents coups d’État et les divergences sur la gestion des crises sécuritaires.
Le contexte politique en Afrique de l’Ouest est particulièrement tendu depuis plusieurs années, notamment en raison des multiples putschs survenus dans la région. Après les coups d’État au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les relations entre certains membres de la CEDEAO et les nouveaux régimes militaires se sont dégradées. En réponse à ces événements, des alliances régionales comme l’Alliance des États du Sahel (AES) ont vu le jour, une structure créée par les pays affectés pour contrer la menace terroriste et maintenir leur indépendance face aux pressions externes.
Les défis de la coopération régionale
Les tensions entre la CEDEAO et les pays de l’AES se sont particulièrement exacerbées après que ces derniers ont pris leurs distances avec l’organisation régionale, en raison de sa gestion perçue comme trop favorable à l’influence occidentale, notamment celle de la France. Les pays du Sahel, dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont rejeté l’ingérence de la CEDEAO dans leurs affaires internes, mettant en avant leur souveraineté et leur volonté de résoudre eux-mêmes les défis sécuritaires.
Le refus de la CEDEAO de soutenir les régimes militaires au pouvoir après les coups d’État a donné naissance à une division marquée dans la région. Alors que la CEDEAO soutient fermement les principes de la démocratie et de la stabilité constitutionnelle, les pays de l’AES ont plaidé pour une approche plus pragmatique, axée sur la lutte contre le terrorisme et la préservation de la souveraineté nationale. Cette fracture reflète des visions opposées sur la manière de gérer les crises politiques et sécuritaires qui secouent l’Afrique de l’Ouest.