S’exprimant dimanche dans les médias étrangers, le président sortant Laurent Gbagbo a dénoncé un « complot » des Etats-Unis et de la France. L’appel à la grève générale lancé par le camp Ouattara semble, lui, ne pas avoir été suivi lundi à Abidjan. Blé Goudé, ministre de la jeunesse du gouvernement Gbagbo, a appelé à son tour ses partisans à manifester mercredi.
Après un long mutisme, Laurent Gbagbo s’active sur la scène médiatique. Il s’est confié dimanche à plusieurs médias étrangers, une semaine après son discours à l’ensemble des populations ivoiriennes sur les antennes de la télévision nationale (RTI). Affirmant être le président légitime de Côte d’Ivoire, il a dénoncé un complot « qui vise à installer Ouattara au pouvoir » et critiqué la responsabilité de la communauté internationale, en particulier de la France et des États-Unis.
Revenant sur l’imbroglio de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle, il a accusé ces deux pays d’avoir incité l’Union africaine, les Nations unies et la Cedeao à soutenir son rival Alassane Ouattara. « C’est surtout l’ambassadeur de France et l’ambassadeur des États-Unis. Ils sont allés chercher Youssouf Bakayoko, le président de la Commission électorale indépendante, pour le conduire à l’hôtel du Golf qui est le quartier général de mon adversaire (Alassane Ouattara) », a-t-il expliqué au journal Le Figaro.
Inquiet des menaces d’intervention militaire des institutions africaines et alors que la mission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est attendu ce mardi à Abidjan, il reste cependant persuadé que leur prise de position est le fruit de l’ingérence et des pressions étrangères. La Cedeao l’a invité jeudi à quitter le pouvoir et n’a pas exclu l’usage de la force pour l’y contraindre.
Le Président sortant et déclaré vainqueur de l’élection par le Conseil constitutionnel s’est dit conscient du risque d’embrasement de la Côte d’Ivoire auquel pourrait mener son bras de fer avec Alassane Ouattara, dont la CEI a entériné la victoire. « Il y aura peut-être un désordre intérieur, une guerre civile en Côte d’Ivoire, parce que nous n’allons pas nous laisser piétiner notre droit et nos institutions ». « Aujourd’hui, moi je m’appuie sur les institutions ivoiriennes, sur les lois », s’est-il défendu.
Vers un échec de l’appel à la grève générale ?
Des accusations auxquelles la France a rapidement réagi. « Ces mises en cause n’ont aucun fondement et ne doivent pas occulter les prises de position de l’ensemble de la communauté internationale, notamment des Nations Unies, de la CEDEAO, de l’Union africaine, de l’Union européenne et du FMI », a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero.
Le camp d’Alassane Ouattara a lui appelé les Ivoiriens à la grève générale dès lundi pour renforcer la pression en vue d’un départ de Laurent Gbagbo de la présidence ivoirienne. Mais, à la mi-journée, l’appel apparaissait peu suivi à Abidjan. S’il apparaît difficile de saisir son impact sur tout le pays, la capitale économique ivoirienne connaissait lundi une activité normale. Seul le quartier de Bouaké, fief de l’ex-rébellion alliée à Alassane Ouattara, où le marché et les banques étaient fermées, semblait avoir suivi le mot d’ordre. Les ports d’Abidjan et de San Pédro, par lesquels transitent l’essentiel des exportations fonctionnaient normalement dans la matinée. Dans le quartier d’affaires du Plateau à Abidjan, boutiques et bureaux ont ouvert leurs portes.
Un nouvel échec pour le RHDP, après celui de la prise de la RTI et de la Primature, qui intervient alors que Blé Goudé, leader des « jeunes patriotes », mouvement pro-Gbagbo, et ministre de la Jeunesse, a appelé les sympathisants de Laurent Gbagbo à manifester mercredi, lors d’un rassemblement qu’il veut « pacifique ». Plusieurs centaines de femmes membres de l’Association des femmes chrétiennes de Côte d’Ivoire, affichant plus ou moins ouvertement leur soutien à Laurent Gbagbo, se sont déjà rassemblées lundi à Abidjan pour prier pour la « paix » en Côte d’Ivoire.