Bombardement sur la base militaire française à Bouaké qui a fait 10 morts, suivi des tirs de l’armée française sur les manifestants de la société civile ivoirienne, provoquant morts et blessés : voila le triste état des lieux depuis samedi dernier, à Abidjan. Soixante douze heures de crise que nous rapporte par téléphone un étudiant abidjanais Gilles MK logeant dans la cité universitaire de Port-Bouët, qui était dans la rue face aux militaires français.
Par Badara Diouf
« Tout à commencé samedi à 14 h, lorsque les gens ont appris que les soldats français basés à la 43 ème Bima (Bataillon d’infanterie marine) près de l’aéroport, avaient bombardé et détruit 6 avions de chasse de l’armée ivoirienne, pris le contrôle de l’aéroport international du pays et immobilisé les deux avions présidentiels. Non seulement les soldats français occupaient militairement la ville, ils lançaient sur la foule des grenades de gaz lacrymogène. La commune de Port-Bouët, où se trouve la cité universitaire, avait aussi été prise d’assaut par l’armée française. Car son but était de nous empêcher (les étudiants, ndlr) d’accorder notre soutien au gouvernement de Gbagbo. Il y a des impacts de balles sur les murs de la fac. C’était le chaos dans la ville. L’armée française tirait sur nous et a même brûlé un car de transport, maintenant calciné. Ces soldats contrôlaient également les deux ponts d’Abidjan pour stopper l’avancée de la population voulant prêter main forte au régime du Président en place. Mais l’armée de mon pays n’a rien fait car elle voulait éviter d’être en conflit direct avec les forces françaises.
Il se peut qu’il y ait du changement car les pourparlers entre le général français Poncet, le chef d’état major de l’Onuci, le général sénégalais Sall et le général ivoirien Mathias Doué, sont en train d’avoir lieu pour trouver une solution pour sécuriser toute la ville. Mais pour l’instant, les hélicoptères français continuer de survoler Abidjan. On a nous annoncé, lundi soir, la venue du Président sud-africain Thabo Mbekiqui à Abidjan pour une médiation dans le conflit. Pour l’accueillir et honorer sa présence dans notre pays, les jeunes patriotes et les manifestants, avons décidé de nettoyer la ville et balayer tous les quartiers avoisinant pour ne pas laisser notre ville sale. D’autres personnes sont allées l’accueillir à l’aéroport.
La population abidjanaise est partout depuis samedi soir : à la Radio Télévision Ivoirienne, à l’Hôtel Ivoire, et surtout à la résidence du Président Laurent Gbagbo. Notre présence entend soutenir notre chef d’Etat, donc nous continuerons à être dans la rue tant que l’armée française ne retournera pas dans sa base du 43 ème Bima à Port- Bouët. Nous sommes tellement déterminés à faire échouer la tentative d’un éventuel coup d’Etat de la part de la France que tous les habitants d’Abidjan montrent leur solidarité. Par exemple hier soir j’ai dormi dehors mais les locaux nous ont apporté à boire, à manger et même donner des vêtements de rechange donc nous sommes bel et bien mobilisés.
Les deux ponts de la ville ont été libérés par les soldats français et la circulation des voitures et bus reprend progressivement dans le centre-ville, depuis lundi soir. Depuis l’arrivée, ce mardi matin du président Mbéki à 9 heures, le calme est revenu de manière partielle. Monsieur Gbagbo et son homologue sud-africain sont en réunion pour tenter de sortir la Côte d’Ivoire de cette crise qui touche le pays tout entier. Mais tant que les militaires français ne retournent pas dans leur base, toute la population abidjanaise restera soudée pour éviter un coup d’Etat car notre Président, nous sommes avec lui. »