Alassane Ouattara à nouveau candidat à l’élection présidentielle de la Côte d’Ivoire. Quelles conséquences faut-il en tirer pour son propre parti ?
Le jeudi 6 août 2020, Alassane Ouattara, à la faveur de son discours à la nation ivoirienne, à la veille de la fête du 60e anniversaire de l’indépendance du pays, a fait une annonce qui, au fond, ne surprenait plus personne : il va briguer un troisième mandat. Décision intervenue moins d’un moins après le décès de son successeur désigné, Amadou Gon Coulibaly. Revenons d’abord sur l’annonce du 5 mars 2020.
Pourquoi considérer une décision normale d’un dirigeant comme un événement ?
C’est le 5 mars 2020 que le Président ivoirien a fini par exprimer clairement devant la représentation nationale son intention de ne pas se représenter pour un troisième mandat et de transférer le pouvoir à la jeune génération. Ceci après avoir entretenu pendant un certain temps, un curieux suspense, soutenant notamment qu’il serait candidat si les deux autres vieux dinosaures de la politique ivoirienne, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié se présentaient.
Dans ces conditions, lorsque Alassane Ouattara a fini par clarifier sa position, le 5 mars dernier, il était présenté comme le parfait démocrate, un héros salué et adulé de toute part, cité en exemple pour bien des chefs d’Etat qui se maintiennent au pouvoir depuis des décennies, ou qui manifestent l’intention de le faire contre vents et marées, et qui sont même prêts à patauger dans le sang de leurs concitoyens pour accomplir leur vœu machiavélique.
Cette décision était applaudie dans son propre parti, le RHDP, au sein duquel les ambitions étaient ardentes jusqu’au jour où Alassane Ouattara porta ouvertement son choix sur son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Ce choix n’a d’ailleurs pas reçu l’assentiment de tous les ténors du parti, d’où des démissions.
Au fond, pourquoi devrait-on féliciter un chef d’Etat pour avoir respecté la Constitution de son pays ? Devient-on un héros pour avoir fait une chose normale tout simplement parce qu’on se trouve dans un environnement où la norme devient l’exception ? Devrait-on couvrir d’éloges un chef d’Etat qui décide simplement de se conformer aux lois de son pays parce que dans les pays voisins, des autocrates font et défont les constitutions à leur guise pour satisfaire leurs desseins malsains ?
En annonçant son intention de ne pas se représenter au scrutin présidentiel du 31 octobre prochain, Alassane Ouattara n’a posé aucun acte héroïque. Mieux, son revirement spectaculaire après le décès de son dauphin désigné est la preuve de son échec total dans la préparation de sa relève, et du fait que, dans le fond, l’homme n’est pas le démocrate que beaucoup croyaient.
Aucun autre cadre du RHDP n’a-t-il la confiance d’Alassane Ouattara ?
La décision d’Alassane Ouattara de se représenter lui-même comme candidat, le 31 octobre prochain, après la mort d’Amadou Gon Coulibaly, est illustrative d’un sérieux problème au sein du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Si en dehors d’Amadou Gon Coulibaly, le Président ivoirien n’a pu trouver dans ce qui se veut un grand parti politique aucun autre cadre digne de confiance et capable de porter le flambeau du RHDP pour les prochaines joutes électorales présidentielles, alors il a échoué dans sa mission de préparation d’une relève.
Les cadres du RHDP devraient même démissionner en bloc, peut-être à l’instar d’un certain Daniel Kablan Duncan. Mais puisqu’en Afrique, il n’est pas toujours facile lorsqu’on se trouve dans une position avantageuse de renoncer à ses privilèges, quitte à subir toutes les avanies, ils s’accrochent quand même, à part quelques rares courageux qui avaient, très tôt, osé dire non au chef. C’est d’ailleurs ces cadres qui s’accrochent qui ont “investi” Alassane Ouattara pour porter les couleurs du parti à la Présidentielle. Mais rien d’étonnant, puisque la façon dont les partis politiques investissent leur leader charismatique en Afrique n’est un secret pour personne.
Finalement, on pourrait même en venir à se demander si Alassane Ouattara était vraiment sincère dans sa fameuse déclaration du 5 mars, surtout qu’il n’a d’ailleurs pas fini de faire le deuil de son dauphin avant de reprendre la place qu’il lui avait réservée.
Puisque gouverner, c’est prévoir comme on le dit, le RHDP aurait pu ou plutôt aurait dû avoir une autre alternative.