Trente huit plaintes contre des candidats élus le 8 septembre sont enregistrées, à ce jour, devant le Conseil constitutionnel pour invalidité. Une liste appelée à s’élargir, selon une source de la deuxième Chambre. Ainsi près de la moitié des élections sont contestées. La particularité de ces plaintes, au-delà de leur nombre important, est qu’elles émanent pour une bonne partie des autorités publiques.
A Meknès, Azilal, Tétouan, Taza, Kénitra, Marrakech, El Jadida ou encore Agadir, les walis figurent sur la liste des partis ayant dénoncé l’élection de certains candidats parmi lesquels ceux aujourd’hui auditionnés par les magistrats dans le cadre des enquêtes relatives à l’achat des voix.
Cette implication des représentants de l’autorité territoriale jusqu’au terme du processus électoral n’est pas nouvelle, toutefois elle dénote aujourd’hui d’un activisme remarqué. Dans la tourmente de ces affaires de fraude électorale, d’achat de voix et de conscience des électeurs, certains partis n’ont pas hésité à dénoncer ce qu’ils ont appelé des «actions sélectives» ou même «arbitraires». Le wali d’Agadir, par ailleurs, membre du parti de l’Istiqlal, aura été clairement accusé d’agir sous impulsion partisane.
Après une première attitude de réserve, les dirigeants du parti de l’Istiqlal, également touchés par le phénomène, sont sortis de leur mutisme à la suite d’une réunion avec leurs amis du PPS. Dans un communiqué conjoint, les deux partis interpellent les autorités judiciaires et demandent expressément de «suivre des procédures claires». Ils pointent le recours inédit aux écoutes téléphoniques pour surprendre les contrevenants.
De ce fait, onze conseillers élus le 8 septembre sont aujourd’hui auditionnés par les magistrats dans différentes villes du Royaume. Un candidat malheureux est également cité à comparaître devant le procureur dans le cadre de l’enquête judiciaire.
Certains députés ont pris leurs précautions
Les partis de la majorité gouvernementale auxquels appartiennent ces élus sont dans une mauvaise posture à une année des élections législatives. Ils sont soupçonnés de fermer les yeux sur ce phénomène de fraude qui pervertit le jeu électoral lorsqu’ils ne sont pas carrément accusés de le favoriser. Une douzaine de députés avaient démissionné de la première chambre pour briguer un mandat à la deuxième chambre. Un acte parfaitement légal, mais qui n’en soulève pas moins un problème d’éthique. Le but de la manœuvre étant moins de servir l’électeur que de bénéficier de l’immunité parlementaire pour une période plus longue.
La polémique a été ainsi lancée au sujet de la présence de ces élus sur lesquels pèsent tous les soupçons à l’ouverture de la session parlementaire. L’avis juridique est ainsi tombé, émanant du ministère de la justice, pour conclure au droit de ces élus, tant que leur inculpation n’est pas formellement déterminée, autrement tant que la justice n’a pas donné son verdict final sur l’affaire. S’ils reconnaissent à ces personnes le droit d’user du principe de la préemption d’innocence, certains militants de partis et d’ONG ne pensent pas moins que l’éthique leur imposerait de ne pas se présenter au Parlement tant que l’affaire n’est pas tranchée par la justice.
Un certain scepticisme plane à ce sujet dans les milieux concernés. L’expérience a, par ailleurs, montré que des recours peuvent traîner indéfiniment. Ainsi, un recours contre un conseiller serait resté cinq années devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier ayant finalement conclu à la validité de cette élection. «Dans le cas contraire, le conseiller aurait siégé toute cette période, soit près des deux tiers du mandat, avant que le conseil n’invalide son élection», souligne notre source à la chambre des conseillers.
Le manque de moyens dont dispose le Conseil constitutionnel est évoqué par notre interlocuteur pour justifier ces retards des procédures. Il estime, toutefois, qu’il faut pallier de toute urgence cette situation pour sauver la crédibilité des institutions.
C’est tout le débat que soulève aujourd’hui l’élection du tiers des conseillers.
Liste des conseillers en attente de jugement:
Région de l’Oriental: Aziz Mouknif, Abderrahmane Ouchen, Mohamed Réda Boutaïb, Bourjel El Bekkaa, Ahmed Rahmouni.
Région de Laâyoune-Boujdor: El Bachir Ahl Hamad.
Région de Meknès Tafilelt: Driss Alaoui El Hassani, Mohamed Keddari, Ahmed Tahiri.
Région de Tadla-Azilal: El Mostapha Reddad, Abdellah Mekkaoui, Abdelaziz Chraïbi;
Région de Tétouan : Abdelhamid Aberchan, Omar Moro, Youssef Benjelloune, Mohamed Saoud.
Région de Taza: Mohamed Kouskous, Abdelouahed El Mesaoudi, AbderrahmaneMakroud.
Région du Gharb: Mohamed Talmoust, Abdelhamid Saâdaoui.
Région de Marrakech: Abdellatif Abdouh, Omar Jazouli, Mohamed Benmasoud, Abdelaziz Janah, Abderrahim Ouaomar, Jamal Eddine El Akroud.
Région des Doukkala: Mohamed Lakboudi, Omar Kerdoudi, Mohamed Mouhaddab, Bouchaïb Hilali, Mohamed Ben Zaïdya, Omar Mouhib.
Région de Souss-Massa: Larbi Herrami, El Mostapha Kacimi, Maâti Benkaddour, Saïd Sarar.
Khadija RIDOUANE, pour L’Economiste