Coopération militaire avec le Mali : Emmanuel Macron plus paternaliste que jamais


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Emmanuel Macron, Président français
Le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron

Plus de 60 ans après leur indépendance, la France n’entend rien perdre de sa superbe et de sa mainmise sur ses anciennes colonies. C’est ce qui se joue actuellement au Mali où il a suffi que les autorités de transition manifestent le désir de recourir aux Russes pour suppléer au départ de Barkhane pour qu’on assiste à un branle-bas de combat en France. Déclaration tous azimuts… La dernière est celle d’Emmanuel Macron en personne, qui a revêtu un manteau de colonialiste pour s’adresser aux dirigeants maliens.

La décision du pouvoir de transition présidé par le colonel Assimi Goïta de recourir à la Russie pour faire face à ses problèmes sécuritaires a piqué au plus vif la France, cela est une évidence. Et depuis, ce pays s’agite dans tous les sens ; ses autorités se livrent à des déclarations tous azimuts. Après les ministères des Affaires étrangères et des Armées, c’est au tour du Président Emmanuel Macron lui-même de monter au créneau pour dénoncer les propos du Premier ministre malien. Aussi, sinon plus amer que ses ministres, le Président français s’est montré très acerbe dans ses propos.

« La légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle »

Au cours de son intervention qui a eu lieu en marge du dîner de clôture de la saison Africa2020, ce jeudi 30 septembre 2021, à l’Élysée, Emmanuel Macron s’est départi de toute délicatesse diplomatique pour critiquer vertement les propos du Premier ministre malien, Choguel Maïga, dont il remet en cause la légitimité tout comme la légitimité du gouvernement qu’il dirige. « J’ai été choqué. Ces propos sont inacceptables », s’est indigné le Président français.

« Je rappelle que le Premier ministre malien est l’enfant de deux coups d’État, si je puis dire. Puisqu’il y a eu un coup d’État en août 2020 et un coup d’État dans le coup d’État. Donc la légitimité du gouvernement actuel est démocratiquement nulle », a pooursuivi le chef de l’Etat français, avant de lancer : « Alors qu’hier nous avons présidé à l’hommage national au sergent Maxime Blasco (mort au Mali) et qu’aujourd’hui il est enterré parmi les siens, ce qu’a dit le Premier ministre malien est inadmissible. C’est une honte. Et ça déshonore ce qui n’est même pas un gouvernement ».

Pour rappel, Emmanuel Macron ne s’est jamais montré critique du gouvernement tchadien, lui aussi issu d’un coup d’État tout de même. Deux attitudes différentes sur des problèmes pourtant similaires, ce qui dénote une incohérence de la démarche du Président français que nous n’avons pas manqué de relever en son temps.

Les élections maliennes en question

Bien sûr, Emmanuel Macron ne s’est pas privé de s’étendre sur la question des élections qui, à en croire Choguel Maïga, pourraient ne pas être organisées en février 2022, comme prévu par le calendrier initialement communiqué. Pour le Président français, très paternaliste, il faut « qu’en février, il y ait des élections, qu’ils (les dirigeants maliens, ndlr) arrêtent de mettre en prison les opposants politiques, qu’ils fassent leur travail, c’est-à-dire le retour de l’État, ce qu’ils ne font pas depuis des mois ».

Cette posture du Président français, qui dicte ouvertement aux dirigeants de la transition au Mali ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire n’est rien moins que de l’ingérence, chose que ne doivent pas admettre les autorités d’un État qui se veut souverain comme le Mali d’Assimi Goïta. Plus de soixante ans après les indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, il n’est pas normal que la France continue de se croire investie de la mission de veiller sur ses anciennes possessions ; qu’elle continue de se montrer totalement hostile à toute tentative de ses anciennes possessions africaines de s’émanciper, de se soustraire un peu de son emprise.

C’est cette attitude qui fait penser à la France que le Mali n’a pas le droit de chercher des solutions en dehors d’elle pour régler ses problèmes sécuritaires. Alors qu’au Mali, les populations soutiennent le choix de leurs dirigeants. Et ça, on l’a vu à travers l’accueil triomphal réservé au Premier ministre malien, à son retour de New York en début de semaine. Un Choguel Maïga porté en triomphe par les Maliens, après ses propos tenus sur le retrait de Barkhane.

A lire : Devant l’ONU, le Mali accuse la France

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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