Le Musée de l’Arles antique (France) accueillera au printemps 2003 une exposition sur l’archéologie romaine algérienne, dans le cadre de l’Année de l’Algérie en France. Parmi les objets algériens : neufs pavements de mosaïques de grande valeur. Les équipes françaises et algériennes vont travailler main dans la main pour restaurer ces pièces uniques.
Dans le cadre de l’Année de l’Algérie en France, l’Atelier de conservation et de restauration du Musée de l’Arles antique, dans le sud de la France, va entreprendre la restauration de plusieurs pavements antiques conservés dans les collections des musées algériens. Les pavements seront ensuite présentés lors de l’exposition sur l’archéologie romaine algérienne qui se tiendra au Musée de l’Arles antique au printemps 2003 puis à l’Institut du Monde arabe (Paris), à l’automne suivant. Le Musée national archéologique d’Alger ainsi que les Musées de Lambèse, de Tipasa et de Cherchell ont d’ores et déjà prêté des pièces. Patrick Blanc, responsable de l’atelier de restauration, les attend à Arles de pied ferme pour commencer leur restauration.
Afrik : Comment s’est passée la sélection des mosaïques algériennes ?
Patrick Blanc : Une équipe de notre Atelier de conservation et de restauration s’est rendue à plusieurs reprises en Algérie, d’abord à Alger puis sur les sites de Tipaza et de Cherchell. Dans une deuxième expédition, nous nous sommes rendus à Lambèse. Nos critères de sélection étaient en premier lieu iconographiques mais tenaient compte aussi de l’état de conservation des pièces qui devait être bon afin d’organiser leur voyage. Nous avons dû renoncer à de nombreuses mosaïques qui auraient demandé trop de travail ou étaient intransportables.
Afrik : Au final, combien seront exposées l’année prochaine ?
Patrick Blanc : Au cours de nos déplacement sur le sol algérien, nous nous sommes rendus compte de la richesse du patrimoine du pays en matière de mosaïques. L’Algérie a un potentiel énorme. Nous avons retenu neuf pavements, datés du IIème au IVème siècle après J.-C. et provenant uniquement des musées (quatre d’Alger, deux de Lambèse, deux de Cherchell et un de Tipaza).
Afrik : Quelle est la pièce maîtresse de vos trouvailles ?
Patrick Blanc : La mosaïque des Néréides conservée au Musée de Lambèse, d’une qualité très rare. Elle date du IIème siècle après J.-C. et elle est réalisée en opus vermiculatum, c’est-à-dire avec des tesselles (petits cubes de verres, de marbre ou de terre formant la mosaïque, ndlr) très fines, de 2 à 3 mm de côté. Découverte en 1905 lors de fouilles, elle mesure 4m39 de long sur 1m24 de large. C’est une oeuvre exceptionnelle, de très grande facture, représentant trois Néréides chevauchant des monstres marins et accompagnées de trois petits amours.
Afrik : En quoi consiste votre travail sur les mosaïques ?
Patrick Blanc : Les traitements seront adaptés à l’état de conservation de chaque pavement. Nous allons restaurer les Néréides, mosaïque fragile qui commençait à se détériorer et qui a été conservée en partie sur son support antique (mortier). Il y a un très gros travail de réintégration à effectuer. Nous devons refaire le mortier de chaux à l’antique. Nous allons ensuite la traiter comme un tableau pour atténuer les fissures et redonner toute sa visibilité à l’oeuvre. Un autre fragment, celui de la Nymphe Cyrène, très bel exemple de mosaïque antique, va être mis sur un nouveau support : des panneaux d’aluminium en nid d’abeilles qui facilitent la conservation.
Afrik : Allez-vous travailler avec l’Algérie ?
Patrick Blanc : Bien sûr. C’est la première fois qu’il y a un tel travail de coopération avec ce pays. C’est une aventure commune, un travail d’équipe. Nous allons accueillir des stagiaires algériens pour travailler ensemble sur leur patrimoine. Les Algériens nous ont déjà aidé à prélever les mosaïques. C’est également la première fois qu’un si grand nombre de mosaïques sort du pays et que celles-ci seront restaurées à l’étranger. L’Algérie possède une équipe de restauration à Cherchell mais cet échange nous permet d’apporter aux restaurateurs algériens les techniques nouvelles de conservation muséale et de former une équipe aux méthodes utilisées en France. Et l’on peut penser à perpétuer ce contact et ce travail en coopération dans les années qui viennent.