Les Noirs sont-ils maltraités par une presse encore majoritairement détenue par les Blancs ? C’est l’avis de la Commission des Droits de l’Homme, en dépit des dénégations venant de toutes parts.
La Commission des Droits de l’Homme (HRC) d’Afrique du Sud a-t-elle commis un faux pas en lançant, en février dernier, une série d’auditions visant à dénoncer le racisme anti-Noirs dans la presse du pays ? Sa décision de convoquer – après une enquête de deux ans – trente-six journalistes à venir témoigner sous peine d’amende suscite, en tous cas, des réactions indignées parmi la plupart des patrons de presse blancs.
La HRC estime que la presse sud-africaine se concentre trop sur les faits criminels commis par des Noirs et sur la corruption des hommes politiques noirs, sans expliquer suffisamment le rôle historique de la minorité blanche dans l’apparition de ces problèmes.
Les dégâts de l’Apartheid
Les trois-quarts des directeurs de journaux sud-africains sont des Blancs. Beaucoup d’entre eux déclarent retrouver, dans la démarche de la HRC, leurs mauvais souvenirs de l’Apartheid, lorsqu’ils étaient censurés par la minorité raciste pour des articles trop favorables à la cause des Noirs. John Battersby, rédacteur en chef – Blanc – du Sunday Independent, fait part de sa tristesse et de son incompréhension. Il a ainsi déclaré au Washington Post que » le point commun entre tous les Sud-africains, c’est d’avoir connu quarante-huit ans d’Apartheid. Et que l’on soit l’opprimé ou l’oppresseur, cela endommage votre psychisme de la même façon. »
Enfin d’autres journalistes, Blancs et Noirs confondus, craignent que la HRC ne saisisse le prétexte du racisme pour interdire toute critique envers le pouvoir politique. Ceux-là jugent que la nouvelle société sortie des urnes en 1994 doit, au plus vite, faire abstraction de l’appartenance ethnique de ses membres.