Eté 2001, Constantine suffoque. Et pas seulement des suites de la chaleur. Pareille à une fourmilière à l’activité incessante, cette ville de l’intérieur n’a rien à offrir à ses habitants, à part des artères bondées de monde, le trabendo (contrebande) et les sempiternels jerricans, synonymes de coupures d’eau.
En pleine saison estivale, Constantine ne désemplit pas. Le centre-ville comme la périphérie grouillent de badauds et autres, en dépit du mercure excédant les 40° C à l’ombre – et ce à longueur de journée et… de nuit. En fait, l’été 2001 à Constantine pourrait ressembler à ses prédécesseurs, s’il n’y avait cette année – en prime – une sévère crise en matière d’approvisionnement en eau potable et le « triomphe » manifeste des trabendistes (contrebandiers) sur les espaces jusque-là épargnés par leur invasion.
Ecrasée par la chaleur, le poids de sa population et celle des localités avoisinantes, la ville du Vieux-Rocher, complètement desséchée, n’est désormais plus qu’un big bazar où tout se vend et s’achète en toute liberté. Le centre-ville, ce « no man’s land » que les trabendistes n’osaient pas jusqu’à un passé récent investir, a fini par être phagocyté comme le reste en l’absence de réaction de la part des officiels. Il est devenu quasiment impossible de circuler sans bousculade au niveau de la place des Martyrs (ex-La Brèche), prise en otage par des dizaines de jeunes vendeurs dont la soif de conquérir de nouveaux espaces semble inextinguible en cet été torride.
Coupures trop fréquentes
Certains d’entre eux se sont, d’ores et déjà, installés sous les arcades de l’avenue Abane Ramdane, tandis que d’autres se sont allègrement approprié le trottoir jouxtant le marché Bettou. Des vacances « made in Constantine » en somme… A défaut de partir à la mer, inaccessible pour bon nombre de Constantinois, certains jeunes continuent de se baigner dans les lacs de Djebel Ouahch, disputant les lieux aux grenouilles et à la vase. C’est l’occasion pour eux de se rafraîchir – souvent au péril de leur vie -, d’autant que dans les foyers, l’eau « boude » les robinets pendant plusieurs jours depuis le début de l’été.
Les autorités ont annoncé dernièrement des mesures restrictives concernant la distribution d’eau potable aux foyers, ce qui au demeurant ne fait qu’accentuer la tension vécue quotidiennement par les Constantinois. Viendra, viendra pas ? En effet, même si « officiellement » la répartition de l’eau est passée ces derniers temps à un jour sur quatre (au lieu d’un jour sur trois antérieurement), les Constantinois appréhendent toujours les coupures, très fréquentes. Trop fréquentes.
Génération trabendo
On assiste chaque matin à de véritables processions d’enfants et d’adolescents bardés de jerricans, faisant notamment du porte-à-porte, en quête de quelques litres d’eau, au niveau de différents quartiers de la ville. C’est à cela que se résume la saison estivale pour ces « générations trabendo et jerricans » à Constantine.
Certes, de nombreuses familles sont parties en vacances depuis le début du mois de juillet ; d’autres partiront éventuellement en août ; mais la majorité semble avoir jeté l’ancre au beau milieu de la léthargie qui caractérise tous les étés constantinois, en n’allant nulle part justement. Les trabendistes se jouent du soleil sous les parasols de fortune abritant leurs étalages et les enfants continuent leur corvée d’eau sous ce même soleil de plomb. A Constantine, l’été est loin de rimer avec bronzage et farniente. Comme d’habitude.
Lydia R