Elisabeth Fechner est partie en quête des souvenirs des Constantinois. Le 93ème département français des années 1950 revit en noir et blanc dans son recueil. Un album de photos au charme désuet qui montre la juxtaposition des cultures dans l’Algérie colonisée.
L’avenue de la République, la rue Saint-Louis, l’église Saint-Joseph, le Café du commerce…non, ça n’est pas dans l’un de ces petits bourgs égarés de la province française. Mais plutôt dans une province très lointaine, il y a plusieurs années. Du côté du 93è département par exemple, dans l’Algérie des années 50. Constantine et le Constantinois extrait des souvenirs en noir et blanc, prises de vies d’un autre temps. De l’époque où les Français édifiaient » La Maison du colon » pour fêter les 100 ans d’occupation à Sétif. Du temps où ils allaient faire leurs cures thermales dans le un petit village appelé Bugeaud (aujourd’hui Seraïdi). Du temps où l’édifice des PTT surplombait Tamanrasset, avec son dôme en terre cuite et ses minarets. Mélange silencieux des cultures, sous la chape de la colonisation. Juifs, Italiens, Français, Algériens et Touaregs cohabitaient dans une intenable harmonie. A l’ombre des dattiers du square du Général Leclerc…
Souvenir apaisé
Elisabeth Fechner a demandé aux Constantinois de fouiller leurs armoires et leurs coffres. De retrouver les photos oubliées. Partir à la recherche des » souvenirs de là-bas « . Dans sa préface, elle raconte le lent effacement de la mémoire. » Quarante ans ont passé, le temps de faire un homme ou un vieillard et de jaunir ces vieilles photos (…) On avait oublié le nom de sa paroisse, celui la grand-rue que l’on empruntait tous les jours, celui de ses professeurs, de son employeur ou de ses voisins de palier, mais jamais celui de la première fille qu’on avait prise dans ses bras. » Mais c’est aussi l’oubli, le tri sélectif de la mémoire, qui a permis de faire ce livre et de laisser la place au » souvenir apaisé « , par-delà les affrontement, par-delà les heurts et la guerre…
Les photos sont teintées d’un charme désuet. La couleur, le grain et le cadrage rappellent les cartes postales de l’après-guerre et les clichés naïfs de Doisneau. Au fil des pages, on s’enfonce dans le Constantinois, vers les villages de plus en plus reculés de Biskra, In Salah ou Touggourt. Oasis qui creusent le désert, paysages épurés, peaux de plus en plus sombres. Voyage dans le passé, regards sur le quotidien de la colonisation jusque dans les contrées les plus désertiques… Pour ne pas oublier mais pour se souvenir, avec l’assurance de ceux qui ont repris leurs droits sur le colon.
Constantine et le Constantinois, Elisabeth Fechner, Editions Calman-Lévy, 2002
Commander le livre.
Lire aussi : Elisabeth Fechner glorifie l’Algérie d’un lointain passé