Le 21 mars 2021, les Congolais se rendront aux urnes pour élire leur président de la République. Une élection qui, de toute évidence, n’a aucun enjeu, puisque tout semble joué d’avance. Comme d’habitude depuis 2002.
Au total, sept candidats ont été retenus pour prendre part à ces joutes électorales. Il y a d’abord le Président sortant, Denis Sassou N’Guesso, 77 ans dont 37 cumulés à la tête de l’État. Il brigue un quatrième mandat. Il a comme challengers Mathias Dzon, son ministre des Finances de 1997 à 2002, Guy-Brice Parfait Kolélas arrivé deuxième à la Présidentielle de 2016, le député Joseph Kignoumbi Kia Mboungou, l’ancien officier de l’armée et pasteur Albert Oniangué qui fut aide de camp de Sassou N’Guesso, l’inspecteur des douanes Anguios Nganguia Engambé, et Dave Mafoula, 38 ans, qui n’a pas d’étiquette politique.
Sassou N’Guesso : un Président continûment réélu depuis 2002
Cinq ans après son retour au pouvoir par la force, en 1997, Denis Sassou N’Guesso fait adopter une nouvelle Constitution en 2002 et organise dans la foulée une élection présidentielle qu’il remporte au premier tour, au grand dam de l’opposition qui n’a eu d’autre choix que de protester. En vain. Même scenario en 2009. En 2015, à un an de la fin de ce second et dernier mandat conformément à la Constitution de 2002, en plus du fait qu’il a dépassé la limite d’âge de 70 ans, Denis Sassou N’Guesso dote le pays d’une nouvelle Constitution et se représente à l’élection de mars 2016. Nouvelle victoire au premier tour. Contestations de l’opposition conduite par le général Jean-Marie Mokoko et Guy Brice Parfait Kolélas. Rien n’y fit. Mieux, Jean-Marie Mokoko, qui refuse de reconnaître la victoire de Sassou N’Guesso, est jeté en prison et écope de la lourde peine de 20 ans de privation de liberté.
Le schéma habituel de victoire au premier tour du Président Sassou N’Guesso se dessine encore, à la veille des élections du 21 mars 2021. Et des voix s’élèvent déjà pour dénoncer des manœuvres visant à nuire à la transparence du scrutin.
Doutes et inquiétudes des évêques sur la transparence
En dehors des opposants qui dénoncent les manigances du pouvoir congolais pour remporter vaille que vaille le scrutin et s’éterniser au pouvoir, les évêques congolais ont également exprimé leurs réserves quant à la transparence du processus en cours. « Certes, les élections sont prévues pour le 21 mars prochain, néanmoins nous émettons de sérieuses réserves qu’une élection présidentielle apaisée, participative, transparente, libre et crédible puisse être organisée dans les conditions actuelles », a laissé entendre Mgr Victor Abagna Mossa, porte-parole de la conférence épiscopale du Congo face à la presse, avant de poursuivre : « Les Congolais ont de moins en moins foi au système électoral actuel, avec un fichier non maîtrisé, comportant entre autres des personnes décédées, et des institutions chargées des élections dont l’indépendance est encore à démontrer ».
La sortie des évêques n’a pas laissé indifférent le gouvernement congolais dont le porte-parole, Thierry Moungalla, est très vite monté au créneau pour apporter un autre son de cloche. « Nous remettons en cause le fait que les gens aient de moins en moins foi. Nous disons simplement que la construction démocratique est un processus lent, est un processus complexe. Oui, il y a des choses qui restent à faire – qui ont été constatées notamment lors de la concertation de Madingou [fin novembre 2020] – parmi lesquelles le chemin qui doit nous conduire à l’application de la biométrie. Mais nous considérons qu’il n’y a pas de raison pour les citoyens congolais de désespérer de la démocratie et du processus électoral », confie-t-il aux confrères de RFI.
L’arrestation d’un militant des droits humains fait monter l’inquiétude
Jeudi dernier, Alexandre Ibacka Dzabana, 77 ans, militant des droits humains, très connu au Congo, coordonnateur de la plateforme congolaise des ONG des droits humains et membre de la coalition « Tournons la page » a été enlevé devant son domicile par des inconnus. Plus tard, le porte-parole du gouvernement congolais a expliqué que l’homme est soupçonné de « tentative de déstabilisation de l’État et des institutions ». Il lui est également reproché d’être de mèche avec des officiers congolais basés à l’étranger afin « de déstabiliser le processus électoral en cours dans le pays ».
Ce vendredi, les organisations de la société civile ont appelé les autorités congolaises à libérer le vieil homme dont les « antécédents médicaux sont incompatibles avec une détention, quelle qu’elle soit », à en croire ses proches. Cette interpellation du militant des droits humains passe pour une action visant à museler toute voix discordante en vue de réussir un nouveau “coup de force électoral”, au soir du 21 mars.