Congo: un mécontentement latent à l’approche des élections


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À deux semaines des élections présidentielles en République du Congo, Marcel Kombo a décidé qu’il était préférable pour sa femme et ses enfants de quitter Brazzaville, la capitale congolaise. « A entendre les hommes politiques parler, il y a de quoi être prudent », a dit M. Kombo, enseignant dans une école secondaire de la capitale. Les élections sont prévues le 12 juillet.

« Ils sont un peu violents dans leurs discours et ils ne se font pas confiance. J’ai décidé d’envoyer ma famille – mon épouse, mes trois enfants et mon neveu – dans notre village [pour qu’elle soit] à l’abri si la guerre venait à éclater », a-t-il ajouté.

Avec un passé marqué par des mutineries au sein de l’armée, des rébellions, coups d’Etat et tentatives de coup d’Etat, le Congo est, depuis plus de 10 ans, éprouvé par une crise humanitaire. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et le sont toujours, particulièrement dans le nord du pays, où les rebelles sont toujours actifs.

Dans la région du Pool, par exemple, – où les forces gouvernementales ont combattu des milices pendant des années, jusqu’à 2003 – le conflit a, selon les organisations humanitaires, détruit des sources de revenus et coûté à la région plusieurs années de progrès.

À la fin de la guerre, le taux d’inscription à l’école primaire, qui était auparavant de près de 100 pour cent, avait chuté à moins de 60 pour cent selon le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), qui a, en mai, élargi son programme d’alimentation scolaire dans la région du Pool.

« Les gens n’ont pas oublié que des élections ont [par le passé] engendré certains conflits », a expliqué Henri Okemba, un ancien ministre. Il a cependant estimé que la classe politique avait acquis assez de maturité pour éviter une guerre civile.

Marguerite Kongo, vendeuse au marché de Bouemba, a confié avoir mis un peu d’argent de côté au cas où la situation se détériorerait. « Avec nos politiciens, il faut s’attendre à tout. Ils veulent tellement le pouvoir qu’ils peuvent jeter le pays dans la guerre, une fois de plus », a-t-elle dit. « Quand on entend des gens dire, dans les médias, … que personne n’a le monopole de la violence, il y a de quoi s’inquiéter et prendre des dispositions ».

Pannes dans les services

Pour Maixent Hanimbat, directeur du Forum pour la gouvernance et les droits de l’Homme (FGDH), le contexte socioéconomique du Congo explique en partie la situation.

« Un mécontentement » latent est perceptible dans la ville, aggravé par des interruptions fréquentes des services essentiels tels que l’approvisionnement en eau et en électricité et les soins de santé. Le mécontentement pourrait mener à la guerre civile au moment de l’annonce des résultats de l’élection, a-t-il averti.

La situation socioéconomique est précaire, les salaires ne couvrant même pas les dépenses essentielles, a-t-il dit. Les infrastructures pour la santé et l’éducation sont inadéquates et le taux de chômage, élevé – en dépit des revenus significatifs tirés du pétrole et du bois.

Le 22 juin, deux candidats de l’opposition – dits « modérés » – ont menacé de se retirer du processus électoral pour dénoncer des retards dans la publication des listes électorales.

Ils ont également déploré le fait que la composition du corps électoral et le nombre de bureaux de vote ne soient toujours pas connus le 26 juin dernier, et contesté l’impartialité de la commission électorale.

Selon des observateurs de l’Union africaine et la Coordination d’appui au processus électoral (CAPE), une plateforme congolaise regroupant divers groupes de la société civile, parmi lesquels plus de 20 ONG, les élections législatives de 2007 et les élections locales de 2008, organisées par la même commission électorale, auraient été entachées de fraudes.

Le 22 juin dernier, le Premier ministre Isidore Mvouba, également vice-président du Conseil national de sécurité (CNS), a cherché à rassurer la population quant aux mesures de sécurité mises en place.

Le CNS a déployé 17 000 agents de sécurité afin de protéger les bureaux de vote, les meetings électoraux ainsi que les candidats, parmi lesquels le président en exercice Denis Sassou Nguesso, qui a dirigé le pays à deux reprises : de 1979 à 1992 et de 1997 à aujourd’hui. En mars 2002, il a remporté les élections avec 89,41 pour cent des suffrages exprimés.

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