Nouveau scandale de la désinformation sur les réseaux sociaux au Congo : après Denis Sassou N’Guesso, victime de rumeurs il y a quelques semaines, après Claudia Lemboumba Sassou N’Guesso, accusée la semaine dernière de manière fantaisiste, c’est maintenant Antoinette Sassou N’Guesso, épouse du chef de l’Etat congolais, qui fait les frais d’une campagne de fausses nouvelles.
Les fake-news, ou fausses nouvelles, sont le versant négatif de la liberté d’Internet. Toute médaille a son revers. Le déchaînement orchestré des informations inexactes, approximatives ou purement diffamatoires a eu des effets inattendus avec l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, dont les partisans étaient passés maîtres dans l’art de cette « propagande de la rumeur », ainsi que l’a définie l’universitaire et homme de média français Olivier Zegna Rata.
Depuis vingt-quatre heures environ les réseaux sociaux ont été, au Congo tout au moins, saturés d’une information parfaitement inexacte, accréditée par la capture d’écran déformée et bidonnée d’une chaîne d’information espagnole.
La manipulation est grossière : la photo d’incrustation d’Antoinette Sassou N’Guesso a été calée à la place d’une autre photo, illustrant un sujet qui, pour cause, n’avait rien à voir. Et les deux bandeaux déroulants inférieurs donnent l’information censée être traitée : « DéCèS ANTOINETTE SASSOU » avec la précision : « LA PREMIèRE DAME DU CONGO VIENS DE NOUS QUITTéS SU ».
On ne peut avoir tous les talents, les fabricants de rumeurs et de fausses nouvelles ne savent pas nécessairement l’orthographe. En l’espèce ils se ridiculisent doublement : faute de conjugaison grossière, « viens » pour « vient », faute de grammaire élémentaire : « quittés » écrit comme un participe passé accordé au pluriel, là où l’infinitif « quitter » était requis.
L’alternance des caractères majuscules et des minuscules utilisées pour les voyelles accentuées trahit là-encore le montage, car les logiciels qui permettent l’incrustation de bandeaux déroulants n’autorisent pas ces changements anarchiques et éditent des lignes harmonisées, soit minuscules, soit majuscules. Tout cela révèle amateurisme et approximation.
Mais nous ne sommes pas dans de l’art, ni même du professionnalisme : il s’agit seulement de détourner l’image du journal télévisé, et la fiabilité qui s’y attache, pour accréditer une information inexacte. Ainsi la rumeur devient « crédible » parce qu’elle paraît passée par le filtre de la vérification journalistique. L’utilisateur des réseaux sociaux ne prendra pas garde aux quelques signes qui révèlent photo-montage et supercherie. Il distinguera à peine sur son petit écran les détails de typographie…
L’énormité du scoop effacera dans sa conscience l’imperfection, pourtant révélatrice, de la forme du message. Le but est atteint, la rumeur vole, rebondit de téléphone en téléphone, de facebook en twitter et de bouche à oreille !… « Si! c’est vrai, je l’ai vu à la télévision, sur une chaine d’info… » Et le mensonge gonfle, gonfle, comme une vague déferlant sur les récepteurs numériques.
Or nous sommes là dans le sacré : en annonçant de manière trompeuse la mort d’une personne, on perpètre une forme d’assassinat symbolique, on provoque un chagrin sans cause, un deuil sans corps, on organise la disparition purement sémantique d’un être qui se voit dénier la qualité fondamentale d’être vivant. On retire l’existence à une personne dont le destin n’est pas achevé. Cet assassinat symbolique est très grave, tout particulièrement dans la société bantoue.
En attentant ainsi symboliquement à la vie d’Antoinette Sassou N’Guesso, les manipulateurs numériques qui s’en prennent actuellement à Denis Sassou N’Guesso et à sa famille ont franchi une nouvelle étape dans la forfaiture, un degré supplémentaire dans l’ignominie. Il faut dénoncer cette campagne absurde alternant diffamation, délation, délire persécuteur. Le journalisme est une vocation : celle d’énoncer des faits vrais pour les porter à la connaissance d’autrui. Toute tromperie sur la vérité des faits est l’inverse du journalisme. Et la dénonciation de ces manipulations, encore plus quand elles confinent à l’abject, s’impose à toute la presse digne de ce nom.