Le 25 octobre 2015, les Congolaises et les Congolais se rendront aux urnes pour se prononcer sur un éventuel changement de Constitution. L’annonce a été faite, ce lundi à la télévision, à l’issue d’un Conseil des ministres de plus de huit heures. Au-delà de la possibilité offerte au chef de l’État de briguer un nouveau mandat, plusieurs évolutions institutionnelles majeures sont envisagées. Au final, la nouvelle Loi fondamentale, dépoussiérée des scories du passé, serait, selon le gouvernement, résolument en prise avec son époque.
Une Constitution « moderne, progressiste et démocratique ». C’est en ces termes que les ministres ont résumé hier les modifications que le pouvoir entend proposer pour faire évoluer l’actuel texte constitutionnel. Des modifications qui devront être approuvées par référendum, le 25 octobre prochain. L’annonce officielle en a été faite, hier, lundi 5 octobre, à la télévision nationale.
Une déconcentration du pouvoir au niveau de l’Etat
L’opposition a réagi à cette annonce en dénonçant à nouveau une tentative de « coup d’Etat constitutionnel ». Deux dispositions focalisent tout particulièrement son attention : la suppression de la limite d’âge pour pouvoir se présenter à l’élection suprême et la limitation du nombre de mandat présidentiel. Selon elle, de telles dispositions serviraient uniquement à permettre à l’actuel président de la République, Denis Sassou N’Guesso, de briguer un troisième mandat.
« En réalité, les dispositions qui concernent le Président, dont le mandant serait au passage ramené de 7 à 5 ans, s’apparentent à l’arbre qui cache la forêt », analyse un éminent juriste congolais, avant de poursuivre : « le projet de nouvelle Constitution, s’il était adopté, entraînerait une profonde réforme de la gouvernance et des pratiques politiques au Congo Brazzaville ». Une « révolution tranquille », en quelque somme, dont la philosophie pourrait se résumer ainsi : une déconcentration du pouvoir au niveau de l’Etat au profit des collectivités locales ; un rééquilibrage des institutions en faveur du pouvoir Législatif ; une meilleure représentativité au sein des institutions au bénéfice de certaines composantes du peuple congolais (les femmes et les jeunes en particulier).
Premier grand axe de modernisation des institutions : la décentralisation. Celle-ci est en réalité la conséquence logique, la traduction immédiate, sur le plan institutionnel, de la politique de municipalisation accélérée. Si elle entrait en vigueur, la nouvelle Loi fondamentale permettrait « de gouverner au plus proche des citoyens » en transférant « aux collectivités locales de nombreuses compétences jusqu’ici gérées par l’Etat central », mouvement accompagné d’« un transfert substantiel de ressources financières pour assurer le développement de politiques locales qui intéressent les Congolaises et les Congolais, pas seulement ceux des grandes villes, mais aussi et surtout ceux de l’arrière-pays ». Ce « choc de gouvernance » a, selon ses promoteurs, vocation « à accélérer le développement intégral du pays et l’inclusion économique et sociale des populations ». Demain, des compétences aussi importantes que l’enseignement (du préscolaire au secondaire), l’urbanisme et l’habitat ; la santé de base ou encore les transports urbains, pourraient ainsi être exercées par les collectivités locales.
« Seul le peuple congolais doit trancher ce débat »
Deuxième grand axe de modernisation : le rééquilibrage des institutions. Cette entreprise repose, pour l’essentiel, sur un triptyque. Tout d’abord, la reconnaissance constitutionnelle d’un statut de l’Opposition politique, statut qui sera déterminé par une loi votée par le Parlement. Ensuite, le partage du pouvoir au sein de l’Exécutif qui devient bicéphale avec un président de la République placé à la tête de l’Etat et un Premier ministre, chef du gouvernement et doté de réels pouvoirs. Enfin, l’institution de moyens d’actions réciproques entre l’Exécutif et le Législatif. Le président de la République pourra en effet dissoudre l’Assemblée nationale, tandis que celle-ci pourra renverser le gouvernement par le vote d’une motion de censure. Ainsi, le Premier ministre et son gouvernement seront responsables aussi bien devant le Président que devant l’Assemblée nationale. « Ces mesures permettront assurément de modifier en profondeur la gouvernance du Congo, et sont à même de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement sur l’action du gouvernement », précise le compte-rendu du Conseil des ministres.
Troisième et dernier grand axe de modernisation des institutions : une meilleure représentation au sein des institutions de certaines composantes du peuple congolais. C’est le cas en particulier des femmes – le projet de Constitution faisant de l’objectif de parité hommes/femmes une norme constitutionnelle impérative – ou encore des jeunes, avec l’abaissement de l’âge minimal pour se présenter aux élections présidentielle (30 ans) et législatives (18 ans).
Le nouveau texte constitutionnel sera-t-il oui ou non adopté et une « Nouvelle République » par conséquent instituée ? Réponse le 25 octobre prochain. Mais quoi qu’il en soit, Denis Sassou N’Guesso, le chef de l’Etat congolais, a, en conclusion du Conseil des ministres de ce lundi 5 octobre, été très clair sur un point : « seul le peuple congolais doit trancher ce débat ».