Les premiers résultats partiels enregistrés par la CNEI ont commencé à être dévoilés mardi 22 mars, à Brazzaville, et font état d’une avance raisonnable du Président sortant, Denis Sassou N’Guesso, crédité de 67% de suffrages au premier tour sur un peu plus de la moitié des suffrages exprimés. Mais les résultats de régions acquises à certains candidats de l’opposition ne sont pas encore intégrés à ce décompte et pourraient bien tempérer ce succès.
Deux jours après le déroulement du scrutin de dimanche 20 mars 2016, les résultats complets des élections présidentielles congolaises se font encore attendre, et les premières tendances publiées par la Commission Nationale Electorale Indépendante (CNEI) ne fournissent qu’une première indication.
Portant sur seulement 59% du corps électoral, les résultats partiels publiés ne comprennent pas encore ceux de Pointe-Noire, la capitale économique du pays et bastion de l’opposition, a précisé le président de la CNEI, Henri Bouka. Il est à noter que selon divers témoignages, les bureaux de vote de Pointe-Noire livraient des résultats bien moins favorables au candidat sortant, plaçant plutôt en tête le général Jean-Marie Michel Mokoko.
Après agrégation de 59% des suffrages exprimés, la CNEI place pour l’instant en deuxième position le candidat d’opposition Guy-Brice Parfait Kolélas avec plus de 16% des voix, devant le général Jean-Marie Michel Mokoko (plus de 7%).
Le porte-parole de campagne du Président Sassou N’Guesso, Thierry Moungalla, tire pour sa part une conclusion optimiste de ces premiers résultats : « Attendons d’avoir le détail [des résultats définitifs ] mais à ce stade, on peut anticiper sur une victoire au premier tour ».
La participation de l’opposition au scrutin et la forte mobilisation des électeurs font de ces élections une expérience démocratique d’un nouveau genre, chaque candidat ayant pu réunir ses partisans lors de grands meetings organisés pendant la campagne. L’ensemble des sensibilités en présence, majorité sortante, opposition modérée, opposition radicale, étaient représentées, et ont pu s’exprimer largement, ce qui explique une véritable dispersion des voix.
Dans ce contexte, Denis Sassou N’Guesso n’est pas garanti d’obtenir un succès dès le premier tour, même si ses partisans le clament déjà dans certaines rues de Brazzaville : la décision des urnes risque d’être serrée. Elle n’en sera pas moins légitime, l’ensemble des opérations se déroulant sous le regard de nombreux observateurs étrangers, même si l’Europe a pour sa part renoncé à envoyer ses propres observateurs.
Le souci premier des principaux candidats est d’éviter que l’éventuelle déception de leurs électeurs ne les conduisent à une dérive violente. C’est ainsi que Guy-Brice Parfait Kolélas a promis de ne contester les résultats, si besoin était, que par des voies légales.
« La crainte, c’est que le pays implose. Nous ne voulons pas d’une burundisation du Congo », a expliqué l’un de ses proches
L’Union européenne a de son côté encouragé « tous les acteurs politiques à recourir aux voies légales pour résoudre leurs différends ». L’ONU a aussi appelé au calme, exhortant « les partis politiques, les candidats et leurs partisans à résoudre les différends qui pourraient survenir par le dialogue et les procédures légales établies ».
Pour le porte-parole du gouvernement, Thierry Moungalla, « malgré toutes les craintes ou toutes les spéculations (…) le peuple congolais s’est rendu massivement aux urnes de manière très calme et sereine ». « Cette élection va marquer d’abord l’élection d’un Président à la légitimité incontestable », a-t-il déclaré, disant souhaiter « que l’ensemble des acteurs politiques (ne gâchent) pas la belle fête démocratique du 20 mars ».
L’enjeu majeur pour le pays, au lendemain de la publication des résultats définitifs, sera en effet d’en tirer les conséquences de manière pacifique : quels que soient ces résultats, ils marqueront probablement un tournant dans la vie politique congolaise, montrant que le pays est engagé dans la voie d’un pluralisme maîtrisé, ce qu’avait anticipé la nouvelle Constitution en accordant un véritable statut à l’opposition et une plus large représentation des corps intermédiaires et des responsables traditionnels.
Le jeu politique congolais s’est ouvert, même si Denis Sassou N’Guesso en reste visiblement, comme on pouvait s’y attendre, l’acteur majeur. Les jours et les semaines qui viennent permettront de juger de la robustesse des nouvelles institutions et de la capacité du Congo à accomplir cette transition vers une nouvelle étape de sa vie démocratique.