Grâce à une prise en charge efficace et gratuite, le dernier décès dû au choléra remonte au mois de janvier, à Pointe-Noire. Reportage à l’hôpital de base de Tié Tié, quartier populaire et épicentre de l’épidémie depuis novembre dernier.
« Les malades qui arrivent ne meurent plus. Les derniers décès datent de décembre et nous n’avons eu qu’un seul mort en janvier. » Première manche gagnée contre le choléra : le docteur Alain Bouhanga, directeur de l’hôpital de base de Tié Tié, peut être fier du travail accompli par ses équipes. Son hôpital est en effet en première ligne, dans le quartier populaire de Tié Tié, épicentre de l’épidémie, qui abrite près de 300 000 habitants dans des conditions de vie et d’hygiène précaires.
« La population de Pointe-Noire a doublé en moins d’une décennie. On est passé de 400 000 habitants à 800 000, au dernier recensement de 2000. Je pense que nous sommes 1 million aujourd’hui », rappelle à ce sujet le maire de Pointe-Noire, Roland Bouiti Viando. « Pendant le conflit armé de 1997, nombre de Congolais sont venus se réfugier ici et ont occupé des zones précaires au bord des marécages. L’urbanisation n’a pas suivi, ces zones sont dépourvues d’assainissement et de mobilier urbain. Les gens des quartiers périphériques ont des revenus très modestes, ils vivent au jour le jour et il leur est difficile de respecter certaines mesures d’hygiène qui permettent de lutter contre le choléra. »
C’est à Tié Tié qu’on été relevés les premiers cas. « Lorsqu’un couple, souffrant de diarrhée aigüe sévère, est arrivé le 3 novembre, nous n’étions pas préparés », avoue le directeur de l’hôpital. « On a improvisé avant de pouvoir préparer le personnel et le former à la prise en charge des malades du choléra. On s’est d’abord débrouillés tous seuls avant l’appui de Médecins sans Frontières (MSF). Au départ, nous n’avions rien. Quand on isolé les premiers malades, le personnel n’était pas protégé et nous avons eu trois décès parmi ceux qui s’occupaient du nettoyage des latrines… ».
Camp retranché
Aujourd’hui, cette période est révolue. Le personnel a été formé, la prise en charge est entièrement gratuite et permet de réhydrater les malades, de les mettre sous antibiotiques et, depuis la semaine dernière, de leur offrir une assistance nutritionnelle grâce au soutien de Programme alimentaire mondiale (Pam). « La prise en charge est bonne, ce qui a permis de faire chuter la mortalité », affirme le Dr Koen Vanormelingen, représentant de l’Unicef au Congo. Dans l’enceinte de l’hôpital, un véritable « camp retranché » pour accueillir les malades du choléra et les maintenir en quarantaine, a été ouvert début janvier, deux mois après le début de l’épidémie. Entouré de hauts murs en tôle, son entrée, barrée d’un « Pas de visiteurs » autoritaire, est surveillée par les membres de la Croix-Rouge congolaise. En combinaison, bottes et gants en caoutchouc, ils veillent à la propreté et à l’hygiène dans l’enciente de la structure et travaillent 24 heures sur 24.
Plusieurs bidons de solution chlorée sont disposés pour que les visiteurs et les techniciens se désinfectent. Une forte odeur de javel et de désinfectant flotte, tandis que, plus loin, on brûle les vêtements et les excréments des malades pour éviter tout risque de contamination. On entre d’abord dans une salle sans murs, où s’effectue le triage des malades. Les moins touchés, au stade A et B, et qui peuvent boire seuls, restent sur place. Sous l’oeil bienveillant d’Ella Bakana, agent MSF, une quinzaine de femmes et d’adolescents sont allongés sur des nattes, avec une bouteille individuelle de réhydratation à portée de main. C’est l’Unicef qui fournit la solution de réhydratation orale.
Retour des pluies
Les autres malades, ceux du stade C – les cas sévères qui nécessitent une perfusion – sont orientés dans une salle d’isolement. Ils sont droit à un lit individuel avec moustiquaire car leur hospitalisation peut durer jusqu’à une semaine. « On peut accueillir une vingtaine de personnes. Au plus fort de l’épidémie, on était débordés, on recevait plus de 50 personnes par jour », se souvient Clovis Makanga, chargé de l’action sanitaire. En tout, l’hôpital de Tié Tié a accueilli 1 895 malades dont 437 enfants. « Le nombre de cas diminue et augmente en fonction des pluies », explique le surveillant général de l’hôpital, Emile Beloa. Or, depuis le mois de décembre, la ville de Pointe-Noire n’a pas connu une pluviosité aussi importante depuis 15 ans… « Ceux qui sont informés sur la maladie et la gratuité des soins viennent à temps, les autres hésitent, prennent des remèdes traditionnels. Il faut sensibiliser les gens pour qu’ils viennent plus tôt. Malgré l’information relayée par les médias, il y a toujours des retardataires : on nous a signalé un mort à domicile dernièrement, ce n’est pas normal », précise le directeur.
La campagne de lutte contre le choléra lancée par le gouvernement jeudi dernier laisse entrevoir un espoir de tordre le cou à l’épidémie, notamment grâce à la campagne de 4 mois de chloration des puits initiée par l’Unicef. De son côté, le maire de la ville, explique que les services d’hygiène prennent soin de désinfecter les morgues deux fois par semaine. Il annonce aussi des mesures immédiates pour améliorer la vie dans les quartiers : « L’Etat a décidé de créer deux entreprises, à Pointe-Noire et Brazzaville, de ramassage et de traitement des ordures. En ce qui concerne la fourniture d’eau potable, le ministère de l’Hydraulique a annoncé la mise en place de deux usines d’adduction d’eau et de traitements des eaux de surface. En mars, les travaux de construction de deux forages vont débuter. » En attendant, le docteur Bouhanga et son équipe scrutent le ciel chaque jour. « On sait qu’à chaque pluie importante, il y a une poussée des cas dans les 48 heures. » Et, en mars, la saison des pluies revient de plus belle.