« Le Congo a du talent ! ». Tel était le slogan des maîtres de cérémonie de la sixième « Congo fashion week », organisée du jeudi 12 au samedi 14 octobre 2017 dans un grand hôtel de Kinshasa. Avec pour point d’orgue le défilé de samedi soir, qui a prouvé que les créateurs congolais, entre autres stars africaines de la mode, étaient de retour sur le devant de la scène.
La Congo Fashion week est l’oeuvre de deux soeurs, Marie-Claire et Marie-France Idikayi, des Congolaises expatriées à Londres, qui ont jonglé avec les imprévus jusqu’à la dernière minute. Mais la réussite a été complète, pour la plus grande joie des professionnels et des spectateurs réunis autour de cette célébration de la création africaine, et congolaise en particulier.
Premier éblouissement, la collection de Marco Aimba aussi à l’aise pour les robes de soirée que pour les costumes pour hommes en pagne imprégné… Magnifiquement servi par des mannequins d’exception, comme Betty Botofé (nos photos) ou Christian Ndawele…
Deuxième révélation, l’exubérance classique de Zoe Eleng’Art, de Lubumbashi, que l’on voit ci-dessous au centre des mannequins qui présentent ses vêtements. Lui habille les hommes dans des vestes ou costumes d’inspiration plus occidentale, utilisant aussi les jeans, sans renoncer pourtant aux pagnes pour les femmes…
A ses côtés, tout en sobriété noire, on retrouve impeccable Christian Ndawele. La fluidité des formes n’a d’égale que l’originalité des matières. Le classicisme n’est qu’apparent, et il n’interdit jamais la créativité. « Nous sensibilisons nos frères et nos soeurs pour qu’ils nous prennent au sérieux, et qu’ils ne portent pas que des marques des Européens et des Américains« , explique à l’AFP Zoe Eleng’Art. »Je rêve d’une marque d’origine congolaise qui serait achetée dans le monde entier », ajoute le jeune homme de 23 ans vêtu de l’une de ses créations, un costume trois pièces en satin coton avec des fermetures éclair.
Plus de surprise, voire d’outrance, avec le styliste Louison Mbeya.
, qui offre une collection 2018 futuriste et libérée. Styles gladiateurs, guerriers et guerrières, jouant sur les références antiques croisées avec les images des héros et héroïnes de science-fiction, à mi chemin entre les peuples de la forêt et Star Trek, dans une forme d’inspiration débridée et ludique qui ne laisse personne indifférent…
Autre belle surprise, servie par un top model exceptionnel, Lihida, la styliste Josiane (JN Design) dont les collections pour femme ont remporté de nombreux suffrages, comme cette immense cape lumineuse de couleurs dont l’imprimé se retrouve sur les chaussures de Lihida.
Bouleversants de la tête aux pieds, les modèles franchement originaux de la collection de madame Tsiana Mana venue de Turquie, décontractés et splendides, libérant à la fois les corps et les esprits, avec des associations inattendues, trainings avec des chaussures imprégnés en Ya* Mado… Ces modèles inédits constituèrent probablement l’un des sommets du défilé…
Avec ses modernes tartans, ses tenues décontractées et urbaines mais terriblement élégantes, appuyant une création pleine de fantaisie et de liberté, propre à habiller nos contemporains… La jeune styliste turque est visiblement à l’écoute des attentes des jeunes générations, mais elle leur propose une alternative plus esthétiques que les tenues trop souvent répétitives et sans grâce des vêtements industriels occidentaux. Une fantaisie qui s’adresse à eux, qui reprend leurs codes tout en leur proposant des tenues qui sortent de l’ordinaire.
Il faut enfin citer, avec son alliance caractéristique du noir et de l’orange, le classicisme frondeur de Divine, grande créatrice ivoirienne qui a trouvé à la Congo Fashion Week un public acquis à ses coupes, offrant comme un clin d’oeil aux sapeurs congolais en revisitant les styles occidentaux, du costume masculin à la robe de soirée, aussi libre et décomplexée dans ses couleurs tranchées… Et ses matières lumineuses, lamelles, médailles noires brillantes, satins…
S’il fallait retenir une seule chose de cette soirée étincelante, c’est bien la fécondité de toute la jeune génération de créateurs et créatrices africains et congolais réunis pour se faire connaître. Et aussi, probablement, le retour de Kinshasa sur le devant de la scène de la mode : comme si la patrie de la sape avait enfin trouvé sa voie, en exploitant mieux que nulle part ailleurs sa faconde féconde !