La roue tourne en République Démocratique du Congo où le jeu politique n’apparait plus aussi bloqué qu’au cours des derniers mois. Les derniers événements ont montré un nouveau visage du président Joseph Kabila, qui apparaît après ses discours au Kasaï et à l’ONU comme un chef d’Etat responsable, soucieux de maintenir l’unité de son pays et de le conduire sereinement vers les échéances électorales à venir.
Tous les observateurs de bonne foi en conviennent : quelque chose est en train de changer en république démocratique du Congo. A la perspective redoutée d’un affrontement violent entre majorité et opposition succède une forme de réalisme politique qui dans les deux camps paraît plus raisonnable.
L’aventure de la sécession brutale du chef Kamwina Nsapu et la répression qui s’en est suivie ont réveillé les souvenirs des vieux démons du Zaïre, avec leur cortège de violences et de guerre civile, les souvenirs des millions de vies humaines perdues pour rien, dans une guerre de clans sans issue.
L’immense Congo démocratique n’a pas seulement hérité d’un territoire grand comme 58 Belgiques… Mais surtout d’une population dispersée du L’est à l’ouest de l’Afrique, qui fait de lui, aujourd’hui, le premier pays francophone du monde. En découle aussi une responsabilité majeure : celle d’assurer sa cohésion, dans le respect de sa diversité de cultures et de mémoires. Or la logique de l’éclatement qui servirait certainement les intérêts de certains de ses voisins est contradictoire avec celle d’un développement cohérent et équilibré de cet espace politique et économique géant.
Joseph Kabila a compris que sa responsabilité historique était de créer désormais les conditions d’une stabilité démocratique durable. Les mots qu’il a prononcés mardi 19 septembre à Kananga, avec à ses côtés le Premier ministre Bruno Tshilaba et une bonne partie de son gouvernement, exprimaient à la fois la solidarité de la nation congolaise avec le Kasaï gravement éprouvé, et un nouveau credo qui apparaît comme la seule réponse pour restaurer la confiance des milieux économiques : la paix retrouvée est le seul chemin vers le redressement et le développement : « La paix est essentielle. Sans la paix on ne peut pas parler développement », a-t-il ainsi déclaré.
Une réponse ferme, bien sûr, à toutes les aspirations à la division qui se sont exprimées au cours des derniers mois, en grande partie depuis l’étranger. Mais une réponse ouverte, car il s’agit de paver la voie d’une consultation démocratique qui doit être irréprochable, pour que dans un pays aussi grand que le Congo, son résultat ne fasse pas l’objet d’une contestation.
Or dans le même temps, la CENI accomplit avec efficacité le premier préalable de cette consultation : la constitution d’un fichier électoral fiable, et consolidé, dans l’ensemble des provinces. La manière dont « l’enrôlement » des électeurs se déroule donne toute satisfaction à l’ensemble des forces politiques congolaises, et la CENI aura bientôt achevé ce travail de titan, appuyée par la logistique de la MONUSCO et de la Francophonie. Malgré l’aventure de la tentative de sécession de Kamwina Nsapu, cette tâche que tous les partis congolais appelaient de leurs voeux aura donc été menée à bien dans un temps raisonnable, d’ici janvier ou février 2018. Ceux qui y voyaient un artifice dilatoire en sont donc pour leurs frais.
Les conditions indispensables d’une consultation démocratique et pacifique seront donc ainsi réunies. C’est ce que le président Kabila a pu affirmer samedi 23 septembre à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York : les élections se tiendront.
Reste la question lancinante du calendrier. Elle se heurte à des difficultés auxquelles l’accord de la Saint-Sylvestre 2016 n’a pas apporté de réponse très satisfaisante. D’abord, le souhait d’organiser en même temps les élections provinciales, législatives et présidentielle entraîne des difficultés logistiques majeures. La Loi électorale actuelle se traduit par une multiplication des candidatures à l’Assemblée nationale qu’il est impossible de refréner.
On estime à plus de 50 000 le nombre de candidats à départager, soit plusieurs centaines par circonscription. A ce rythme, les bulletins de vote comptent plusieurs dizaines de pages, et deviennent des catalogues particulièrement complexes à acheminer, à utiliser lors du vote, à dépouiller ensuite. Il paraît donc logique de fixer de nouvelles règles avant de se lancer dans ce tourbillon. Cela ne peut intervenir qu’avec l’adhésion de toutes les forces politiques. Il est maintenant de la responsabilité de Joseph Kabila de conduire cette réforme, deuxième préalable à la réunion du corps électoral.
Il ne suffit pas d’appeler sans cesse à des élections, il faut les organiser de manière pratique. C’est le sens de l’engagement pris par le président congolais, il est à la fois lourd de sens et de conséquences et toutes les forces politiques doivent coopérer à sa mise en oeuvre concrète.
Il n’est plus temps de se perdre en polémiques, il faut avancer vers des scrutins transparents, apaisés et rationnels. Dans cette nouvelle phase de l’histoire de la République Démocratique du Congo, la sérénité dont fait preuve Joseph Kabila apparaît désormais comme un indispensable atout, mais il ne pourra relever seul ce défi collectif : ce sont désormais les forces d’opposition qui sont appelées à agir de manière responsable.