Les premiers états généraux mondiaux de la drépanocytose se sont achevés, ce vendredi à Brazzaville (Congo), sur une note d’espoir et d’engagement pour améliorer le quotidien des malades. Cinq premières dames africaines ont signé dans cet esprit la déclaration de Brazzaville, dans laquelle elles s’engagent à militer pour que cette maladie génétique du sang soit reconnue comme priorité de santé publique.
De notre envoyée spéciale Habibou Bangré
Ils ont gagné une bataille, mais pas la guerre. Ils, ce sont les quelque 1 000 personnels associatifs, les médecins, les politiciens, les organisations non gouvernementales et les organisation internationales qui ont participé aux premiers états généraux de la drépanocytose, qui se sont achevés ce vendredi à Brazzaville (Congo). La clôture, organisée au palais du parlement, a été l’occasion de faire le bilan de trois jours de travaux, conférences et débats, mais aussi de poser quelques recommandations nécessaires pour améliorer le quotidien des drépanocytaires. Cinq premières dames africaines ont d’ailleurs certifié, en signant la déclaration de Brazzaville, qu’elles étaient prêtes à mener des actions de lobbying pour faire reconnaître la drépanocytose comme priorité de santé publique.
Les drépanocytaires européens mieux lotis
Le professeur français Gil Tchernia a fait une synthèse qui se veut un signal d’alarme concernant l’évolution de la maladie. Oui, c’est une maladie de « l’ignorance, de la douleur, de la pauvreté et de l’inégalité des chances ». Oui, c’est une maladie qui touche principalement l’Afrique. Principalement mais pas exclusivement. Les migrations de populations et métissages font accroître le nombre de naissances d’enfants malades ou porteurs du gène, notamment « dans la vieille Europe ».
La différence entre les malades de la « vieille Europe » et ceux des pays pauvres, c’est que l’espérance de vie des Européens sera bien plus élevée. « 98% des enfants nés avec la maladie atteindront plus que 18 ans », a expliqué le Pr Gil Tchernia. En Afrique sub-saharienne, la moitié des 300 000 enfants drépanocytaires qui naissent chaque année n’atteindront même pas cinq ans. Et ceux qui vivront seront pour beaucoup des enfants nés dans un pays pauvre, certes, mais ayant des parents aisés.
Ne pas trop compter sur la moelle osseuse et la thérapie génique
Que faire pour améliorer le quotidien des drépanocytaires ? La liste est longue : fabriquer des médicaments, si possible génériques, s’équiper pour dispenser des échanges transfusionnels, cesser de stigmatiser les malades, dresser un inventaire des effets de la médecine traditionnelle sur la maladie, pousser les malades, et leurs parents, à aller à l’école et à avoir de l’ambition… En somme, tout faire pour que le drépanocytaire n’ait pas à quitter son pays pour se faire soigner en France. À ce sujet, le Pr Gil Tchernia insiste sur le fait que les familles ne doivent pas baser leurs espoirs sur la greffe de moelle osseuse, une opération risquée et parfois « létale ». Et de préciser que la thérapie génique, qui permettra d’éviter la présence du gène malade lors de la conception d’un enfant in vitro, ce n’est pas pour demain.
Ce qui n’est pas pour demain, mais pour bientôt, c’est l’ouverture de centres de dépistage dans les capitales du Sénégal, du Mali et du Congo. Le Congo, dont le centre de Pointe-Noire, la capitale économique congolaise, doit s’agrandir. Par ailleurs, des pédiatres, des hématologues, des biologistes… vont établir un système de proximité pour Brazzaville et Pointe Noire, avant de l’étendre à tout le territoire national, a expliqué en substance Alphonse Gando, ministre de la Santé et de la Population du Congo.
Cinq premières dames signent la déclaration de Brazzaville
Peut-être là le témoignage que les consciences commencent à s’éveiller. Et pour s’en assurer les premières dames tchadienne, malienne, sénégalaise, congolaise et centrafricaine ont signé, mardi, la déclaration de Brazzaville. Ce faisant, elles ont pris solennellement l’engagement de « conduire des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics afin de faire sortir la drépanocytose de son ‘état d’oubli’ actuel et d’obtenir des différents Etats africains que cette maladie soit inscrite désormais comme une priorité de santé publique », peut-on lire sur le document. Conscientes du pouvoir qu’elles peuvent avoir sur leurs chefs d’Etat de maris, elles entendent aussi, œuvrer pour « la création dans chaque pays d’un Conseil national de lutte contre la drépanocytose, en vue de la mise en œuvre des politiques définies par les pouvoirs publics et les organisations de la société civile ».
D’aucuns estiment que ces avancées n’auraient pas été possibles sans la détermination d’Edwige Ebakisse-Badassou, à la tête de l’Organisation internationale de lutte contre la drépanocytose. Pour son engagement dans un combat courageux, elle a été décorée lors de la clôture par le ministre de la Santé et de la Population du Congo. De même que les professeurs Amadou Sangaré, Robert Girot, Graham Serjeant, Samuel Nzingoula et Dimitrios Loukopoulos. Espérons que les spécialistes et personnalités récompensés seront de plus en plus nombreux.