En janvier 2010, après plusieurs échecs, le Congo Brazzaville a finalement accédé à l’initiative PPTE avec annulation d’une grande partie de sa dette par les institutions de Bretton Woods. Peut-on dire pour autant que le Congo Brazzaville est sur la voie du décollage économique ? Angus Lembikissa, de l’Institut national du patrimoine culturel de Paris, nous propose dans cette contribution une analyse minutieuse de la portée et des limites des réalisations du Congo Brazzaville. Une analyse qui le pousse à interpeller les autorités congolaises afin d’accélérer la mise en place de réformes institutionnelles favorisant un développement endogène.
Après la guerre qu’à connue le pays entre 1997 et 1999, les autorités congolaises se sont fixés entre autres objectifs : les réformes structurelles en vue d’assainir la gestion des finances publiques et l’accès du pays à l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE). Le but était de retrouver la confiance des bailleurs de fonds et surtout l’annulation de la dette extérieure du pays qui constituait un frein aux efforts de développement économique entrepris. En janvier 2010, après plusieurs échecs, le pays a finalement accédé à l’initiative PPTE avec annulation d’une grande partie de sa dette par les institutions de Bretton Woods. Maintenant que tous ces objectifs semblent atteints, peut-on dire le Congo Brazzaville est sur la voie du décollage économique ?
Une question d’équilibres macroéconomiques
L’une des questions importantes est celle des équilibres macroéconomiques c’est-à-dire de l’état dans lequel se trouve l’économie congolaise, moins structurée, et peu diversifiée. Elle est basée essentiellement sur l’exploitation pétrolière. Celle-ci (13,5 millions de tonnes de barils par an), représentait pendant la période 2005-2008 en moyenne 66% du produit national brut, 93% des recettes d’exportation et 84% des recettes publiques. C’est donc la principale richesse.
Cependant, en 2009 par exemple, l’excédent de la balance commerciale s’est réduit par rapport à 2008, affecté par la chute de la valeur des exportations des produits pétroliers et du bois, l’explosion des importations de biens de consommation et d’investissement. Le déficit du compte courant s’est également creusé (7.1 % du PIB en 2009 contre 1.6 % en 2008). Le système financier et bancaire ne satisfait pas encore la demande de crédit, à cause de ses faibles capacités en ressources humaines et financières ou de l’inadéquation des produits proposés à la clientèle, quoique des efforts importants de restructuration et de privatisation du secteur aient été engagés. L’investissement (674,257 milliards de francs CFA) reste dans l’ensemble limité et le crédit à l’économie faible, l’inflation toujours présente même si l’IPC n’est « que » de 5.3 en 2010). De même, le secteur privé éprouve d’énormes difficultés à se développer et le taux de chômage (40% chez les15-19 ans et varie entre 40 et 20% avant 30 ans) demeure élevé. Le climat des affaires est très peu favorable, le rapport Doing business classe le pays à la 179ème place sur 183.
Libération du poids de la dette
Tous les gouvernements successifs au Congo de la décennie 80 jusqu’à la décennie 2000 ont souffert du poids de la dette extérieure du pays. Elle a été une véritable épine dans les efforts entrepris pour le développement du pays. A cause de la faible mobilisation des ressources économiques, l’Etat éprouvait d’énormes difficultés pour affronter la dette et répondre à ses besoins de développement. C’est dans cette perspective que l’allègement octroyé par la Banque mondiale (près de 100 milliards de F CFA) a permis de réduire de moitié l’encours de la dette multilatérale, qui est passée de 206,404 milliards de F CFA en 2004 à 100,109 milliards après le point d’achèvement. Une bouffée d’oxygène pour les finances du Congo, dont la dette extérieure représentait plus de 50 % du produit intérieur brut. Les créanciers du Club de Paris, ont annulé la totalité de la dette congolaise.
Avec l’accession à l’initiative PPTE, le pays peut maintenant consacrer l’essentiel de tout ce qu’il reversait au service de la dette à la diversification de son économie. Cela, si le gouvernement ne retombe plus dans la gestion laxiste des deniers publics. Et il faut reconnaître que bien que l’allègement de la dette soit un coup de pouce au développement du pays, il n’en demeure pas moins qu’il peut pervertir les incitations du gouvernement à mettre en œuvre les réformes nécessaires. Le gouvernement devra prêter attention à ne pas y succomber.
Des institutions au service du développement économique
Dans de nombreux pays d’Afrique surtout, ceux qui ont pour richesse principale le pétrole, la croissance économique est due aux rentrées des revenus du pétrole. Le Congo n’en est pas exclu puisqu’il affiche pour 2010, une croissance économique à 12% due aux ressources générées par le pétrole. Le taux d’inflation avoisine les 3%, le budget de l’Etat enregistre des excédents depuis 2005; la dette publique extérieure représente désormais moins de 20% du PIB et la balance des paiements est excédentaire.
Cependant, cette situation ne se traduit pas forcément par un développement réel endogène fondé sur l’accroissement de la division du travail mû par l’esprit d’entreprise des congolais. Des vraies institutions susceptibles de booster le développement économique sont indispensables. Des réformes ont été engagées dans le secteur bancaire, mais l’accès aux crédits pour les populations reste problématique. En 1994, le centre de formalités des entreprises a été créé pour faciliter les démarches dans la création d’entreprises. Placé sous la tutelle du ministère des PME, cette institution ne joue pas encore pleinement son rôle malgré les réformes engagées en son sein ces dernières années. Il est donc impératif que le pays développe des institutions susceptibles de favoriser le développement endogène. Par exemple dans la création d’entreprises le classement Doing business place le pays 166ème sur 183, le coût du revenu par habitant (86,5%), obtention des prêts 135ème sur 183.
Du chemin reste encore à faire au Congo malgré sa meilleure santé financière actuelle.
Angus Lembikissa, de l’Institut national du patrimoine culturel de Paris.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org