Dans six ans, et en dépit des rumeurs saugrenues sur un éventuel coup de force, Denis Sassou Nguesso dira « adieu » à la Présidence de la République. D’ores et déjà, les candidats à sa succession, intra et extra muros, familiaux et amicaux, de la majorité présidentielle ou de l’opposition, sont pléthoriques. Mais 9/10 d’entre eux sont facétieux, dépourvus de hauteur de vue, de philosophie, de vision… Un manque que pourrait pallier un homme venu d’ailleurs, à qui tout réussit : Lula Ignacio Da Silva.
La question est sur toutes les lèvres : Denis Sassou Nguesso quittera-t-il vraiment le pouvoir à l’issue de son dernier mandat ? Ce jeudi 4 novembre, dans un bar discret de Brazzaville, trois jeunes du club Boire et Débattre en débattent. « Le pouvoir, c’est comme une belle femme. Peut-on la quitter au moment où on l’aime le plus ? » se demande Loris, 22 ans, étudiant en Droit à la primitive université Marien Ngouabi. Et d’ajouter : « Le président est en phase de pharaonisation, alors je ne crois pas à sa retraite politique. »
Lucette, elle, élève brillante dans une école privée de commerce, est plutôt optimiste : « Oui, Denis Sassou Nguesso s’en ira. Et pour cause : c’est la seule très grande promesse qu’il aura tenue dans sa vie. Il a changé ; il va même à l’église : il a été voir le pape et nul doute qu’il s’est confessé », analyse-t-elle.
Pour Jean Louis, romancier en herbe, la page Denis Sassou Nguesso est déjà tournée ; il parle de l’actuel président de la République à l’imparfait et au passé simple : « C’était le seul président qui ne fut pas victime de coup d’Etat – quoique pour Lissouba le mot « coup d’Etat » n’est pas approprié -, c’est dire que Denis Sassou Nguesso maîtrisait bien le Congo », reconnaît-il. Désormais, Jean Louis ne jure plus que par celui qui s’apprête à diriger le Congo. « Un homme d’un charisme inégalé », s’emballe-t-il. « J’aimerais lui dire de vive voix que c’est un véritable bâtisseur infatigable ; j’aimerais surtout lui dire qu’il ne paralyse pas la circulation ici, à Brazzaville, lors de ses déplacements, comme c’est le cas aujourd’hui…» Puis, soudain, il lâche le nom du prochain président qui pourra transformer le Congo en « une petite Suisse » : Lula Ignacio Da Silva.
Un grand-homme
Voilà un homme, ancien ouvrier, ancien syndicaliste, qui méritait lui aussi le prix Nobel de la paix 2010. Si un « grand-homme » est celui qui change le cours de l’histoire dans le bon sens, alors Lula Ignacio en est un et il doit diriger le Congo, ne serait-ce que pour infliger une leçon à l’homme politique congolais. En seulement huit ans, il a changé la vie de plus de 24 millions de Brésiliens; pour le Congo, il ne mettra que huit mois pour changer celle des 3,5 millions de Congolais. Et il n’aura aucun problème d’adaptation. Le Brésil est le premier massif forestier au monde ; le Congo le deuxième. Le Brésil dispose du premier grand fleuve au monde ; le Congo du deuxième. Le Brésil est un pays pétrolier ; le Congo aussi… Comme il l’a fait pour le Brésil, il prendra des mesures sociales énormes, tel l’octroi d’une bourse mensuelle familiale de 36 Euros (c’est faisable au Congo, vu les potentialités dont dispose ce petit pays), à condition que les enfants soient vaccinés et aillent à l’école. Oui, Lula ressuscitera l’école publique congolaise, tuée au profit des complexes scolaires privés à la con. Habile, Lula a privilégié les pauvres sans pour autant empiéter sur les riches… Alors, avec Lula, les nouveaux riches congolais, dont l’origine de la fortune est immensément douteuse, n’auront aucun souci à se faire. Ils continueront de polluer Brazzaville ou Pointe-Noire avec leurs 4×4 ; ils ne changeront pas de costumes tant leur ventre demeurera gros. Toujours, ils jouiront de leurs maisons à étages, au toit en tuiles, lesquelles poussent tels des champignons au Congo. Et de leurs appartements de France, même s’ils ont été mal acquis…
Une seule crainte : Lula n’a pas résolu le problème de la minorité amérindienne. Ses Conseillers le forceront à s’attaquer à celui des pygmées. En homme multidimensionnel, il ira les voir fréquemment ; il n’organisera pas que des forums sur les pygmées.
Dans la mesure où tous les présidents du Congo ont failli, et que tout a été essayé, y compris les conflits meurtriers, une nouvelle voie, celle d’un homme venu d’ailleurs, s’impose (Un homme venu d’ailleurs ne veut pas dire un Congolais vivant à l’étranger. Non, jusqu’à preuve du contraire, les Congolais de l’étranger qui sont allés assumer des responsabilités politiques au pays se sont révélés nuls ou dangereux). A défaut de faire appel à Lula, il faudra l’inventer. Car la crise que vit le Congo ne résulte pas de la demande mais de l’offre politique et intellectuelle. L’homme politique congolais est surtout un homme unidimensionnel, « dont le mouvement de la pensée est arrêté par des barrières qui apparaissent comme des limites de la raison elle-même ». «Il ne voit pas plus loin que son nez ou sa maison », lâche Jean Louis à la fin du débat, avant de conclure: « Le Congo attend Lula ou un Lula » .» Vite, le Congo a besoin d’une nouvelle Constitution pour permettre à Lula d’être candidat en 2016.