Réuni en congrès, le cinquième de son histoire vieille de 50 ans, le Parti congolais du travail (PCT), parti au pouvoir, a, sans surprise désigné le Président Denis Sassou N’Guesso pour défendre ses couleurs à la Présidentielle de 2021. Âgé de 76 ans, Denis Sassou N’Guesso cumule un peu moins de la moitié de son âge, soit 35 ans, à la tête du pays. N’est-il pas temps pour celui qui figure dans le peloton de tête de ces dirigeants d’Afrique centrale inamovibles depuis des décennies de passer le témoin à une nouvelle génération ?
Militaire de carrière, Denis Sassou N’Guesso a très tôt pénétré les arcanes de la politique et du pouvoir d’Etat. Ministre de la Défense sous le régime du commandant Marien Ngouabi, il succédera au colonel Yhombi-Opango remplaçant de Ngouabi, assassiné le 18 mars 1977, en tant que président de la République à partir de 1979. Il conservera le pouvoir jusqu’en 1992, après s’être fait réélu en 1984 et 1989. La montée de la contestation à la suite de la dégradation de la situation économique du pays, elle-même consécutive à la baisse du prix du pétrole – corollaire du contre-choc pétrolier – et à l’endettement l’obligea à écourter son mandat.
76 années de vie pour 35 au pouvoir
En effet, en 1991, une conférence nationale à l’image de celle organisée par le Bénin en 1990, fut convoquée. Au terme de ladite conférence, une nouvelle Constitution institua une démocratie pluraliste au détriment du marxisme jusque-là expérimenté par le Congo. L’organisation d’une nouvelle élection présidentielle à la suite de la nouvelle Constitution fut sanctionnée par la victoire de Pascal Lissouba. Cinq ans après son retrait de la Présidence, Sassou N’Guesso revint aux affaires à l’issue d’une guerre civile qui déchira le pays pendant plusieurs mois, opposant ses propres partisans à ceux du Président Pascal Lissouba. Il s’autoproclame président de la République, le 25 octobre 1997. En 2002, il fait adopter une nouvelle Constitution qui fixe le mandat présidentiel à sept ans et l’âge limite pour la candidature à 70 ans. Sassou N’Guesso est confortablement élu au premier tour à l’issue de l’élection présidentielle de mars 2002, malgré toutes les contestations. 2009, même scénario : élection au premier tour dans l’indifférence totale des Congolais.
En 2015, à un an de la fin de ce second et dernier mandat conformément à la Constitution de 2002, en plus du fait qu’il a dépassé la limite d’âge de 70 ans, Denis Sassou N’Guesso fait adopter une nouvelle Constitution et se représente à l’élection de mars 2016. Nouvelle victoire au premier tour. Contestations de l’opposition conduite par le général Jean-Marie Mokoko et Guy Brice Parfait Kolélas. Rien n’y fit. Denis Sassou N’Guesso est bien décidé à finir son mandat actuel et à en briguer un nouveau, puisqu’il vient d’être investi candidat de son parti pour la Présidentielle de 2021. En ce moment, il aura bouclé 37 ans à la tête du pays. S’il était réélu, comme cela a toujours été le cas depuis des années, il pourrait à nouveau se représenter en 2026, puisque la constitution de 2015 le lui permet. Que cherche finalement Denis Sassou Nguesso ? Etre président à vie ?
La boulimie du pouvoir, un mal contagieux en Afrique centrale
Denis Sassou N’Guesso nourrit-il une envie de battre des records dans cette Afrique Centrale où les chefs d’Etat ont une exceptionnelle longévité au pouvoir ? Allons au cas par cas : au Cameroun, le vieux Biya a 37 ans au pouvoir ; au Gabon, la dynastie Bongo dirige sans partage le pays depuis 1967, soit 52 ans du père au fils ; en Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema, tombeur de son oncle Macias Nguema, a gardé le fauteuil présidentiel depuis 1979, soit 40 ans, et prépare déjà son fils Teodorin pour prendre la relève ; depuis que Idriss Déby a débarrassé le Tchad du dictateur Hissène Habré, il règne sans partage et totalise pour l’heure 29 années à la tête du pays ; la République centrafricaine est un pays particulièrement instable dans cette zone de chefs d’Etat inamovibles ; la République démocratique du Congo, après l’ère Mobutu, a connu le régime de Joseph Kabila qui a difficilement opéré l’alternance après 19 ans de règne.
Le Président Sassou Nguesso devrait comprendre que la meilleure façon d’entrer dans l’histoire, ce n’est pas par le nombre d’années passées au pouvoir, mais plutôt par les accomplissements obtenus quand on est chef de l’Etat. Et de ce point de vue, les derniers chiffres montrent que le Congo traverse une situation économique alarmante. Reconnu pour opérer des dépenses somptuaires (par exemple la construction en 2006 du mausolée de Savorgnan de Brazza pour un coût estimé à plus de 10 milliards de francs CFA, alors que les Congolais manquent du minimum, plusieurs régions du pays n’ont pas accès à l’eau et à l’électricité, les deux tiers de la population vivent sous le seuil de la pauvreté), le régime a conduit le Congo dans une situation économique et financière intenable.
Un bilan économique peu flatteur
Croulant aujourd’hui sous le poids de la dette – 5 580 milliards de francs CFA, soit 117% du PIB – le Congo, au bord de la banqueroute, a besoin de fonds externes pour fonctionner. Dans ce sens, des négociations avaient été faites avec le FMI qui devait mettre à la disposition du pays une première tranche de 48 millions sur un prêt global de 448.6 millions de dollars, en janvier 2020. Mais le Congo n’ayant pas réussi à satisfaire les conditions posées par l’institution financière, la mise à disposition du fonds a été reportée. Des accords conclus avec la BAD permettront au Congo d’avoir du cash, en attendant de satisfaire les attentes du FMI.
Avec un tableau économique aussi peu reluisant, après toutes ces années de règne, que veut encore prouver le Président Denis Sassou N’Guesso ? N’est-ce plutôt pas pour lui le moment de passer la main à une nouvelle génération pour lui permettre de faire ses preuves ? En tout cas, « mieux vaut quitter les choses avant que les choses ne vous quittent », dit la sagesse africaine.
A lire : Congo-Brazzaville : le versement de 48 millions de dollars par le FMI reporté