Les distributeurs automatiques de préservatifs ont de plus en plus d’adeptes au Congo. Les habitants du pays surnomment le petit bout de latex « Ami 3 », parce qu’il est considéré comme la troisième personne qui vient se glisser entre le couple lors des rapports sexuels.
Après une longue journée de travail dans une imprimerie de Brazzaville, la capitale congolaise, André Mikangou* passe rapidement prendre une bouteille de bière à la boutique d’une station-service du quartier, et en profite pour se procurer des préservatifs « Ami 3 » au distributeur automatique de la station.
« J’ai glissé légèrement ma petite pièce de 100 francs CFA (0,28 dollar) dans le distributeur automatique, puis un paquet de trois préservatifs est sorti », a expliqué à IRIN/PlusNews cet homme d’une cinquantaine d’années.
« Plusieurs personnes qui ont pratiqué cet exercice, très simple, m’ont parlé de cette facilité d’avoir le condom [préservatif] en temps réel, je n’avais pas cru. Cette fois-ci, je ne peux plus en douter. Je vais essayer ce préservatif qui fait parler de lui partout », a-t-il ajouté avant de finir sa bouteille d’un trait et de se diriger vers un taxi.
Le distributeur automatique que M. Mikangou a utilisé est situé dans l’enceinte d’une station-service de Makélékélé, un quartier sud de Brazzaville, qui grouille de monde et est ouverte presque 24 heures sur 24.
Ce distributeur n’est pas unique. Le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la population, en a fait installer une quarantaine dans les villes les plus peuplées du Congo pour promouvoir ‘Ami 3’, un préservatif made in Congo, dont le nom suscite volontairement l’ambiguïté.
L' »Ami 3″ largement distribué
« ‘Ami 3’, cette dénomination vient du fait qu’à l’heure du sida, l’acte sexuel ne se fait plus à deux, mais à trois, c’est-à-dire : moi, mon partenaire et le préservatif qui devient incontournable », a expliqué Maurice Ndefi, directeur de l’Association pour l’appui aux initiatives de santé communautaire (AAISC).
En 2007, l’AAISC, qui exécute le programme marketing d’‘Ami 3’, principalement grâce à des financements de la Banque mondiale et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a installé un réseau de distribution et de vente de préservatifs qui couvre les 12 départements du Congo.
Au total, quelque sept millions de préservatifs masculins ont été répartis en 2007 entre les différents points de vente et de distribution dans ces régions, dont 300 000 dans les distributeurs, installés notamment à Brazzaville et dans les départements du Kouilou, du Niari, de la Lékoumou (sud) et de la Sangha (nord), qui hébergent 82 pour cent des personnes vivant avec le VIH dans le pays.
Les distributeurs ont été placés dans les lieux les plus fréquentés par les jeunes, notamment les bars dancing, les campus universitaires, les parcs d’attraction et les hôtels. Les stations-services ont également été ciblées, les chauffeurs de taxis et de bus constituant l’une des couches les plus exposées à l’infection, selon le CNLS.
La promotion du troisième partenaire
Pour sensibiliser davantage les consommateurs sur la nécessité d’utiliser un préservatif, à la fois pour lutter contre le VIH, les infections sexuellement transmissibles, ainsi que contre les grossesses précoces ou non désirées, la télévision nationale congolaise diffuse chaque jour ou presque à partir de 20 heures, l’heure de grande écoute, un spot publicitaire animé par les acteurs de la série ivoirienne « Ma famille », très prisée au Congo. « Mon ami ! A l’heure du sida, plus de rapports à deux. A trois, ces rapports sont sécurisés et sûrs », plaident les personnages de la série. « La confiance n’exclut pas le condom », chante de son côté l’artiste musicien Philippe Sita dans toutes les campagnes de lutte contre le sida.
Le paquet de trois unités revient à 100 francs CFA dans les distributeurs automatiques, et à 50 francs CFA (0,14 dollar) dans les autres points d’approvisionnement (hôpitaux et pharmacies). Ils sont aussi distribués gratuitement dans le cadre d’événements ponctuels de sensibilisation.
« ‘Ami 3’ est beaucoup apprécié par les jeunes. Il est bien lubrifié, solide, extra fin et ne se casse pas facilement », a fait valoir Lydie Blanche Mahoundi, responsable de la promotion, information, éducation et communication de l’AAISC. « Ce préservatif est le partenaire numéro 3 de la sûreté dans tout rapport sexuel… partout où l’on peut se retrouver ».
Des arguments qui semblent faire mouche auprès de la population cible. « Rien que par son emballage, ‘Ami 3’ rassure. Son utilisation est vraiment facile. Il ne peut se casser que chez un homme violent », a estimé Juliette Ngoma, étudiante à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville. « Si un homme le casse, c’est qu’il est conscient de son mauvais état de santé et veut faire du mal à sa partenaire ».
Selon la dernière enquête sentinelle menée par les autorités nationales en 2003 avec l’appui de la Banque mondiale, 95 pour cent des personnes vivant avec le VIH au Congo ont été contaminées via les rapports sexuels, dans ce pays où le taux de séroprévalence est estimé à 4,2 pour cent.
Les jeunes ne sont pas les seuls à être sensibles aux messages de promotion du préservatif et à l’avantage de pouvoir se le procurer discrètement et facilement, a noté Achille Mongo, un des responsables d’une station-service disposant d’un distributeur automatique. « Des adolescents, des adultes défilent à la station pour venir acheter leurs préservatifs à chaque instant », a-t-il dit. « Il y a des jours où il y a plus de grandes personnes que de jeunes qui passent se ravitailler ».
Plus de la moitié des sept millions de préservatifs disponibles en 2007 ont été vendus ou distribués, selon l’AAISC, qui compte mettre le même nombre de préservatifs à disposition des quelque quatre millions d’habitants du Congo en 2008.
Photo: Laudes Mbon/IRIN