Ce 15 août marque le 61e anniversaire de l’indépendance de la République du Congo. A cette occasion, AFRIK.COM s’est entretenu avec madame Chantal Malion, présidente de la Fédération des forces sociales pour le progrès (FFSP), une plateforme qui regroupe à la fois des partis politiques, la société civile, les ONG, et les représentants des Églises et des Sages dans différents départements du Congo.
Entretien.
Afrik : Quel bilan faites-vous sur le plan socio-économique 61 ans après l’indépendance du Congo ?
Chantal Malion : Il serait peut-être bon de parler des bilans des différents gouvernements qui se sont succédé. Même si en définitive, après 61 ans d’indépendance, le Congo est à reconstruire. Il faut cerner les responsabilités de chacun, devant cette désastreuse situation.
- Présidence Fulbert Youlou
Après la proclamation de l’indépendance de la République du Congo, le 15 Août 1960, le Président Fulbert Youlou, qui y voyait l’émancipation, a entrepris d’exhorter son peuple sur :
– le sens de la vie, des institutions et surtout à une prise de conscience
– les devoirs de l’indépendance
– la nation congolaise, respectueuse de l’ordre, l’union et la paix, pour que le pays assume seul, toutes les responsabilités qui lui incombent « dans un monde en perpétuel bouillonnement, où s’affrontent des blocs idéologiques tels qu’ils ne peuvent admettre ni tolérer les faibles, les mous, les hésitants. Il vantait les vertus du libéralisme économique et avait condamné le communisme.
- Présidence Alphonse Massamba-Déba
Placé au pouvoir par des militaires le 15 août 1960, Massamba-Débat forme un gouvernement provisoire de technocrates. Une nouvelle Constitution issue du référendum du 8 décembre 1963, institue pour le Congo, un Conseil National de la Révolution (CNR), présidé par le président de la République et un Premier ministre, chef du gouvernement.
- Présidence Marien Ngouabi
Le 31 décembre 1968, l’Acte fondamental est de nouveau modifié. Le CNR, remanié et réduit à 28 membres avec la mise à l’écart des proches de Massamba-Débat, devient l’organe suprême de l’État. Le chef du Conseil est de droit président de la République.
Marien Ngouabi devient ainsi le troisième Président du Congo, à l’âge de 30, après bien de péripéties militaro politiques. Marien-Ngouabi prend la tête d’un pays d’un million d’habitants, en héritant des acquis des cinq années de la gouvernance de Massamba-Débat : l’économie qui repose sur l’agriculture (vivrière et d’exportation, notamment café et cacao), l’exportation du bois, l’exploitation minière et le transport.
Dans ce dernier domaine, ses infrastructures (CFCO, Voie Comilog, Voie fluviale et Port de Pointe-Noire) et sa situation géographique lui permettent de jouer un rôle de transit pour d’autres pays de la sous-région (Gabon, Cameroun, Centrafrique, voire Tchad). Le Congo dispose également d’une industrie agro-alimentaire et textile naissante.
- Président Jacques Joachim Yhombi-Opango
C’était l’homme de la rigueur et de l’efficacité dans l’administration publique. Le moindre manquement est réprimé chez les fonctionnaires. La perception des impôts et des droits de douanes est menée de façon impitoyable. Cependant, les difficultés financières de l’État, apparues au cours des deux dernières années de la présidence de Ngouabi, compliquent la tâche du nouveau régime. L’État peine à tenir ses engagements (salaires, dette, etc). L’heure est à l’austérité, avec le slogan : Vivre durement aujourd’hui, pour mieux vivre demain ».
- Présidence Denis Sassou (1979-1990)
Il est élu en mars 1979 par le Parti congolais du Travail, président du comité central du PCT, et de droit président de la République pour cinq ans et le 8 juillet, il fait adopter par référendum une nouvelle Constitution. Il nomme Louis Sylvain-Goma Premier ministre.
En mars 1992, la nouvelle Constitution est massivement adoptée par référendum. Elle entérine la démocratie multipartite dans le pays et instaure un régime semi-parlementaire concentré autour de trois organes politiques : le président de la République, le Premier ministre et le Parlement bicaméral. Le président de la République est élu pour 5 ans au suffrage universel direct, rééligible une fois.
- Présidence Pascal Lissouba
Pascal Lissouba est investi le 31 août 1992 au palais du Peuple devant tous les corps constitués et les représentants diplomatiques. La passation de pouvoirs avec le général Sassou N’Guesso se passe dans une excellente ambiance. Le 1er septembre 1992, il nomme Stéphane Maurice Bongho-Nouarra au poste de Premier ministre.
61 ans après, pouvons-nous dire que les Congolais n’ont pas su capitaliser les acquis de l’indépendance de leur beau pays ?
La construction de la Nation depuis le Président Fulbert n’étant pas faite sur de solides fondations, malgré ses exhortations en ce sens.
Quel sens donnez-vous à la lutte de Fulbert Youlou dans l’obtention de l’indépendance ?
Fulbert Youlou adhère au système de décolonisation organisé par de Gaulle dans le cadre de la communauté, en faisant voter favorablement au référendum de septembre 1958 : le « OUI » l’emporte très largement. Dans cette voie vers une indépendance négociée entre des leaders africains « modérés ».
Sur le plan politique, cet anniversaire coïncide avec la réélection de Denis Sassou ainsi que la mort de l’opposant Brice Parfait Kolelas, en tant qu’actrice de la scène politique, quelle analyse faites-vous sur le plan démocratique et de la liberté d’expression ?
Le suffrage universel, qui est le moyen donné au peuple de voter leurs élus, est devenu un instrument de légitimation des choix des gouvernants par des hold-up électoraux. Cet anniversaire de la pseudo indépendance vient consacrer les malheurs de grands nombres de Congolais qui croupissent dans l’extrême misère d’une crise multidimensionnelle, aggravée par la pandémie de Covid-19.
Face aux maux qui entravent l’élan du développement du Congo, quelle piste de solution proposez-vous en tant qu’acteur socio-politique ?
Le Congo Brazzaville doit se tourner vers le « vivre ensemble ». Il est temps de mettre de côté les rivalités politico-ethniques entre groupes manipulés par des acteurs politiques mal formés aux pratiques démocratiques. Les crises répétitives nuisent au développement économique et social. Il est temps d’envisager des itinéraires d’une vraie réconciliation.
C’est pour cette raison que notre mouvement est engagé continuellement vers la voix de la réconciliation, c’est une expérience de libération intérieure et spirituelle, individuelle et sociale pour chacun de nous. La dynamique du vivre ensemble est bénéfique pour notre nation toute entière.