
Le président togolais, Faure Gnassingbé, prend les rênes d’une médiation délicate pour résoudre le conflit à l’est de la RDC. Une mission diplomatique à haut risque, dans une région fracturée par des années de guerre, d’ingérences régionales et d’initiatives de paix avortées.
Dans un contexte de tensions persistantes à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’Union africaine a désigné un nouvel artisan de paix. Faure Gnassingbé, président du Togo, succède à João Lourenço à la tête de la médiation continentale. Une nomination qui soulève autant d’espoirs que d’interrogations, dans une région minée par les affrontements armés, les rivalités géopolitiques et l’échec des précédentes initiatives de paix.
Une nomination symbolique mais controversée
L’annonce a été faite le 12 avril 2025 : Faure Gnassingbé prend officiellement les rênes de la médiation africaine pour le conflit à l’est de la RDC. Cette région, en proie à des violences récurrentes, notamment liées aux agissements des rebelles du M23 et aux accusations mutuelles entre Kinshasa et Kigali, reste l’un des points chauds du continent africain. Si le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, s’est félicité de la « confiance exprimée » par l’Union africaine, la société civile togolaise, elle, exprime de fortes réserves. Quinze organisations dénoncent un manque de légitimité du chef de l’État togolais, pointant une gouvernance jugée autoritaire et peu exemplaire en matière de dialogue et de démocratie.
La tâche du président togolais ne sera pas aisée. Son prédécesseur, João Lourenço, n’a pas réussi à faire émerger une solution durable malgré plusieurs trêves et accords de cessez-le-feu, régulièrement rompus sur le terrain. Faure Gnassingbé devra relancer une dynamique de paix dans une atmosphère de méfiance totale. La RDC accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, ce que Kigali réfute fermement. Cette fracture diplomatique a bloqué à plusieurs reprises les négociations précédentes.
L’enjeu d’une diplomatie unifiée
Le premier défi du nouveau médiateur consistera à harmoniser les multiples canaux de dialogue existants. Les processus de Luanda et de Nairobi ont jusqu’ici évolué en parallèle sans coordination réelle, engendrant confusion et inefficacité. L’Union africaine demande désormais à sa Commission d’élaborer, avec l’aide de Gnassingbé, une feuille de route unifiée. Cette dernière devra inclure les aspects politiques, sécuritaires et humanitaires, dans une approche globale et cohérente.
Faure Gnassingbé devra aussi composer avec l’ombre discrète mais influente du Qatar. À Doha, un processus parallèle se développe, facilitant des discussions directes entre Kinshasa et les rebelles du M23. Cette initiative, plus souple, a permis une rencontre inédite entre les présidents congolais et rwandais fin mars. Pour le médiateur togolais, il s’agira donc d’éviter les chevauchements, tout en assurant une complémentarité stratégique entre les efforts diplomatiques africains et qataris.
Une équation géopolitique incertaine
Dans la région des Grands Lacs, les intérêts nationaux et les ingérences extérieures complexifient toute médiation. La stabilité de l’Est congolais dépend autant de négociations régionales que de la volonté sincère des protagonistes à en finir avec la guerre. Faure Gnassingbé devra faire preuve de doigté, de patience et de neutralité pour espérer jouer un rôle constructif. Son avenir de médiateur se jouera autant dans les coulisses diplomatiques qu’au contact direct des populations affectées.