Concert d’indignation face à l’escalade des attaques dans le nord du Mali


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Au cours de la série d’attaques perpétrées par des milices armées dans le nord-est du Mali, au moins 35 militaires ont été enlevés et onze personnes ont été tuées par des mines antipersonnel, une suite d’incidents qui fait craindre un débordement sur le territoire malien de la flambée de violence à laquelle on assiste au Niger.

Entre le 26 et le 30 août, une délégation du ministère de l’Agriculture a été attaquée et un convoi militaire de l’armée malienne est tombé dans une embuscade ; dans un autre incident, 10 civils et un militaire ont été tués lorsque les véhicules à bord desquels ils voyageaient ont sauté sur des mines antipersonnel, a déclaré à la presse Abdoulaye Coulibaly, porte-parole de l’armée malienne.

Ces incidents se sont tous produits au nord du Mali, une région désertique et montagneuse limitrophe de la Libye et du Niger, contrôlée par Ibrahima Bahanga – un des nombreux ex-seigneurs de guerre responsables du mouvement insurrectionnel déclenché dans les années 1990 par les Touaregs – accusé par les autorités maliennes de trafic de drogue et d’actes de banditisme.

Pour Mohamed Touré, ressortissant du Nord et fonctionnaire à la retraite, M. Bahanga est loin d’incarner la communauté touareg. « Les populations ne demandent qu’à vivre en paix maintenant », a-t-il affirmé.

Plus de 10 ans d’insurrection

Le Mali et le Niger ont été secoués par des mouvements insurrectionnels touaregs à partir de 1990, jusqu’à la signature en 1995 des accords de paix. Depuis, les communautés touaregs installées de part et d’autre de la région frontalière vivaient en paix jusqu’à cette année.

En effet, le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), un groupe rebelle du nord du Niger, composé majoritairement de Touaregs, a commencé à attaquer les civils et les militaires dans la région nord où il y a disséminé des nombreuses mines antipersonnel. Néanmoins, le MNJ semblerait nier tout lien avec les milices responsables des attaques au Mali.

Un officier de l’armée malienne, qui a requis l’anonymat, a déploré l’usage des mines antipersonnel qui, selon lui, n’avaient jamais été utilisées dans le pays depuis son indépendance de la France en 1960.
« Le fait que l’on déplore le plus est l’utilisation pour la première fois de mines antipersonnel au Mali », a-t-il regretté.

A Bamako, la capitale malienne, depuis la semaine dernière, les conversations tournent généralement autour des récentes attaques. « Que se passe-t-il dans l’armée malienne ? », s’est demandé Ousmane Sow, commerçant à Bamako. « Je suis sidéré, complètement abasourdi d’apprendre encore et encore qu’en deux jours, les hommes du mutin Ibrahim Bahanga ont réussi sans coup férir, le doigt dans l’œil, deux raids contre nos militaires ».

Abondant dans le même sens, Oumar Sangaré, un professeur de français dans un lycée de Bamako se demande « comment cela est-il arrivé ? ». Pour lui, le mutin ne va s’arrêter en si bon chemin. « Tant qu’il le pourra, Ibrahim Bahanga continuera de harceler et d’humilier les forces de sécurité du Mali », a-t-il ajouté. « Il revient naturellement au général Seydou Traoré [chef d’état-major des armées], de prendre les dispositions idoines pour mettre hors état de nuire ce terroriste ».

Fatoumata Diarra, gérante d’une cabine téléphonique à Bamako, appelle le gouvernement à réagir. « Rien que des communiqués de presse. Nous n’avons pas besoin de cela, des innocents sont en train de mourir pour rien ».

Les journaux dénoncent

Le Mali a l’une des presses les plus dynamiques et les plus libres de l’Afrique de l’Ouest. Depuis la première attaque, les journaux ont abondamment commenté la situation, même si les journalistes reconnaissent qu’ils comptent encore sur Radio France Internationale (RFI), une chaîne française d’informations internationales, et sur l’Agence France Presse (AFP) pour obtenir des informations sur les événements qui ont lieu dans le nord du pays.

Dans son édition du mercredi 29, le quotidien privé l’Indépendant interpellait le général Seydou Traoré, chef d’Etat major général des armées. « Nous aurions souhaité savoir ce qu’il pense de ce rebondissement dans l’épineuse question du Nord », s’est interrogé l’éditorialiste ».

Le quotidien s’est également interrogé sur les motivations de Bahanga.
« Voudrait-il négocier son retour dans le bercail après tous les crimes qui ont jalonné son parcours ? Chercherait-il, à travers ces otages, à soutirer encore de l’argent au gouvernement malien toujours prêt à sortir la valisette ? Réclamerait-il une large autonomie pour la région de Kidal ? Est-il seulement bien placé pour revendiquer quoique ce soit […] au nom des Touaregs de cette partie du Mali ? ».

Dans sa chronique du 31 août, dans le quotidien les Echos, Tiegoun Boubeye faisait toutefois observer que « ce n’est pas n’importe quel bandit qui peut s’attaquer à des militaires armés pour les défaire de leurs armes et de leurs bagages, pour en faire des otages », soulignant au passage qu’il ne fallait pas sous-estimer Ibrahim Bahanga.

Photo: Almahady Moustpaha Cisse/IRIN – Située à 1 500 km au nord de Bamako, la capitale, la ville de Kidal est au coeur de la région qui a été secouée par les récentes attaques

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