L’affaire Mohamed Bacar sera au centre des discussions entre la France et les Comores lors de la visite, qui débute ce jeudi, des secrétaires d’Etat français à l’Outre-mer et à la Coopération à Moroni. La France a refusé mercredi l’asile politique pour l’ancien président d’Anjouan (l’une des îles de l’archipel comorien), mais il ne sera pas extradé vers son pays. Des dizaines d’hommes politiques comoriens montent au créneau : ils réclament l’extradition de M. Bacar à tout prix.
Le voyage de la délégation française jeudi aux Comores entend se placer sous le signe de l’apaisement des relations franco-comoriennes. Quelques semaines après la fuite vers la France de Mohamed Bacar, l’ex-président déchu d’Anjouan, l’affaire commence sérieusement à empoisonner les relations bilatérales. Deux jours durant, Yves Jégo, secrétaire d’Etat chargé de l’Outre-mer, accompagné du secrétaire d’Etat de la Coopération et de la Francophonie, Alain Joyandet, discuteront avec le président comorien Ahmed Abdallah Sambi et le président tanzanien à la tête de l’Union Africaine (UA) Jakaya Mrisho Kikwete. Au menu : une coopération renforcée avec les Comores pour lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte, île française voisine d’Anjouan. Et surtout, l’affaire Bacar qui domine les discussions. Avec une « mauvaise » nouvelle à présenter à M. Sambi. M. Bacar, réfugié dans les îles françaises de Mayotte puis de la Réunion depuis sa destitution fin mars s’est finalement vu refuser l’asile politique par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La décision, rendue le 6 mai lui a été notifié mercredi. M. Bacar ne pourra donc plus rester en France. Mais surprise : il ne sera pas renvoyé vers son pays par « mesure de sécurité » malgré la demande d’extradition formulée par les autorités comoriennes. L’OFPRA a estimé que les « risques de persécution » étaient grands pour lui et ses hommes.
Assigné à résidence, M. Bacar ne compte pas en rester là. Il « envisage un recours de cette décision devant la Commission de recours des réfugiés », a déclaré un anonyme proche de l’ex-homme fort d’Anjouan, une des trois îles qui forment l’Union des Comores. Il songerait aussi à trouver refuge dans un autre Etat africain. Maurice et Madagascar sont cités parmi les pays susceptibles de l’accueillir. Mais le pays devrait être choisi avec l’accord de l’Union des Comores et de l’Union africaine.
En colère, les députés comoriens manifestent
La France n’est pas la bienvenue à Moroni, capitale fédérale des Comores. C’est ce qu’ont fait savoir le Parlement et d’anciens ministres comoriens qui jugent leur visite « inopportune » et « provocante ». Une trentaine de députés comoriens, toutes tendances politiques confondues, ont manifesté jeudi à Moroni pour protester contre la venue du « ministre français des Colonies ». Malgré son soutien à l’opération militaire de l’Union Africaine, la France est accusée d’avoir exfiltré M. Bacar vers Mayotte puis la Réunion. Depuis fin mars, de nombreuses manifestations ont éclaté pour réclamer l’extradition de M. Bacar mais aussi le rattachement de Mayotte aux Comores. Contrairement aux autres îles de l’archipel, Mayotte a souhaité resté sous le giron français après l’indépendance des Comores en 1975. Elle fait aujourd’hui face à un flux considérable d’immigrés illégaux majoritairement venus des Comores et que la France souhaite voir diminuer au nom de la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy.
Soucieuse de maintenir de bonnes relations avec son ancienne colonie, la France a tout fait pour ménager le pouvoir central sur ces deux sujets. Après la décision de l’OFPRA, elle est aujourd’hui dans une situation délicate.
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