La nouvelle a suscité la colère des Comoriens habitués aux services des logiciels de téléphonie par internet. Depuis quelques jours, les consommateurs sont privés de Skype, Tango, TeamSpeak, entre autres. L’association des consommateurs a déposé plainte contre l’unique fournisseur de la communication du pays : Comores Télécom. La grogne se ressent aussi sur les réseaux sociaux, où les internautes dénoncent la violation des droits des consommateurs.
Depuis une semaine, une partie des consommateurs comoriens sont privés des plateformes de communication « gratuite ». De l’avais d’un internaute comorien, « la communication aux Comores reste trop chère. Pour avoir internet, il faut payer une somme non négligeable. Quand on utilise Skype, on paye quand même, car la facture téléphonique s’allonge au fil des minutes ». En effet, la plupart des jeunes Comoriens utilisent les services de téléphonie gratuite, en se connectant depuis les cybercafés et autres taxiphones. Mais depuis le jeudi 1er août, Comores Télécom qui détient le monopole de la télécommunication aux Comores, a tout simplement décidé d’appliquer des mesures strictes en désactivant les logiciels Skype, Viber, TeamSpeak, ou encore Tango. Ce qui a provoqué la colère des internautes comoriens. Sur les réseaux sociaux, la grogne monte, tandis que l’association des consommateurs des technologies de l’information et de la communication a décidé de porter l’affaire devant la justice, pour interdiction des droits d’accès à l’information.
Débit surchargé et manque de rentabilité
Cette décision est, selon Comores Télécom, un moyen de rentabiliser le débit de données échangées sur son réseau, qui a fortement augmenté. L’établissement se défend de vouloir priver la société comorienne de l’un des moyens de communication les plus fiables pour rester en contact avec la famille à l’étranger. Le directeur des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication chez Comores Télécom, Ibrahim Abdouraza Razida, va encore plus loin dans les raisons de cette décision drastique. Pour lui, la réponse est sans appel. Les usagers de ces services n’ont jamais eu l’autorisation d’utiliser ces logiciels. Une pratique donc illégale. Il était urgent, selon le directeur, de mettre fin à ces utilisations, sans préavis.
« Quand ils ont utilisé Viber, Skype, ou Tango, ils ne nous ont pas avertis. Donc, nous, nous faisons notre travail sans les avertir », défend le directeur. « Comores Télécom a besoin de gagner quelque chose. Que gagnons-nous sur Skype ? Les gens se branchent sur nos équipements, ils utilisent le site de Skype, ils téléphonent n’importe où, sur les fixes et sur les mobiles. Avant tout, c’est une société de télécommunication. Donc, nous sommes obligés, avec l’investissement que nous faisons de jour en jour, de rentabiliser tout ça », a-t-il poursuivit sur les ondes de RFI.
Faux, répond M. Ibrahim, administrateur de la page facebook. « Non aux censures de Comores Télécom ». Selon lui, « une infime partie de la population comorienne utiliserait ce, logiciel ». A titre d’exemple, Comores Télécom posséderait 11 milles teraoctets, ce qui équivaut proportionnellement à la même capacité que SFR en France. Et dans un pays où les moyens financiers ne permettent pas aux habitants de se munir d’un ordinateur, ou d’un smartphone, « il est d’une scandaleuse hypocrisie de déclarer que la fibre ne tient pas», défend le même collectif.
Lorsque l’absence de concurrence crée la dictature
Depuis que les internautes ont constaté le micmac de Comores Télécom, l’indignation se fait sentir sur les réseaux sociaux. Heureusement pour eux, ils peuvent encore utiliser ses services « jusqu’à nouvel ordre » ironise Saïfidine. La colère des utilisateurs ne se mesure pas. Sur les réseaux sociaux, on remarque en effet leur indignation. Pendant que certains entrevoient un racket de Comores Télécom qui se faire les poches en arnaquant les utilisateurs, d’autres ciblent le gouvernement comorien qu’ils accusent de laisser faire cette société « décentralisée » , mais qui ne le serait que de nom. Car, d’après les défenseurs des consommateurs, la société est dirigée par le ministère des Télécommunications, et par conséquent par le président de la République. Pour Hachmia Chibab, « c’est un bon moyen pour Comores Télécom d’inciter la population à acheter du crédit ». « Juste une arnaque organisée », selon Sarah Dems. De telles déclarations, on en reçoit par milliers de la part des jeunes Comoriens de France qui avaient l’habitude de communiquer avec leurs familles et amis des Comores via ces plateformes.
Quant à l’Association des consommateurs, elle a confirmé son dépôt de plainte contre la société nationale comorienne, pour « l’interdiction de l’accès à plusieurs sites de communication gratuits ».
La justice et l’Etat comorien ont désigné l’Autorité nationale de régulation des technologies de l’Information et de la Communication (ANRTIC) comme médiatrice. Un organe qui ne serait pas apte pour trancher une telle affaire selon les consommateurs, car trop affilié à l’Etat et à Comores Télécom. Des faits contestés par le directeur de l’ANRTIC, Mohamed Alfeine : « ce genre d’allégations, je les ai entendues de bouche à oreille par des gens mal intentionnés, mais c’est faux. Parce que nous ne dépendons par de Comores Télécom, car c’est une autorité privée qui relève du ministre des Télécoms et directement de la Présidence. Donc c’est faux. »
Des faux vaillants-directeurs-ingénieurs ?
D’emblée, la page facebook pour les Consommateurs soulignent « l’incapacité » des Dirigeants de Comores Télécom. Même pour couper la ligne téléphonique VoIP, ils ont du faire appel à une société béninoise. Ce qui laisse une facilité inconditionnelle « à ces étrangers d’intervenir sur notre réseau quand ils veulent, et comme bon leur semblera », déclare un membre du collectif qui a souhaité garder l’anonymat.
En attendant une prochaine décision, la page facebook « Non aux censures de Comores Télécom » obtient les faveurs de la population, aux Comores, comme en France. Plus de 40 000 visites sur la page. Pour l’instant, aucune grande manifestation n’a été organisée, mais comme nous l’a souligné Ibrahim, l’un des administrateurs de la page facebook « Non aux censures de Comores Télécom », le combat continuera tant que « les autorités comoriennes n’arrêteront pas de prendre la population pour des moutons ».
Ironie du sort, en ce jour (vendredi 9 août 2013) de la fête de l’Aïd el-Fitr aux Comores, la communication même payante aux Comores est quasiment nulle. Les appels depuis les Comores ou à destination de l’archipel sont automatiquement rejetés. Un autre débat qui « démontre l’incapacité des « vaillants directeurs-ingénieurs », raille Ibrahim et les membres du collectif contre les censures des communications. Affaire à suivre…