A Mohéli, une île située dans les Comores, la colère gronde. Des manifestants ont incendié des voitures et des maisons pour exprimer leur mécontentement suite au vote du Congrès, lundi, reportant les élections à novembre 2011. Cette décision prolonge le mandat présidentiel d’Ahmed Abdallah Sambi, censé se terminer le 26 mai prochain. Un coup dur pour l’île de Mohéli qui devait hériter de la présidence tournante en 2010.
Des carcasses de voitures calcinées, des maisons brûlées… depuis quelques jours, l’île de Mohéli, dans les Comores, est le théâtre d’affrontements entre les forces de l’ordre et les habitants. « La police a lancé des gaz lacrymogènes et a tiré sur les manifestants venus protester contre la venue de deux ministres de Mohéli et d’ Ikililou Dhoinine, le vice-président de l’Union des Comores, dont la maison a été incendiée », rapporte jeudi Mahamoud Bencheikh, un membre actif du Mouvement des jeunes patriotes mohéliens. Pour l’heure, on ignore si cette rixe a fait des blessés. La population reproche à ces trois hommes politiques d’avoir aidé au prolongement du mandat du président fédéral des Comores, Ahmed Abdallah Sambi. Lundi, le Congrès a voté le report des prochaines élections à novembre 2011, en l’absence de 24 élus de l’opposition qui ont décidé de boycotter les assises. Une décision mal accueillie par les Mohéliens à qui devait revenir le 26 mai prochain la présidence de l’Union des Comores conformément à la Constitution, qui stipule que les trois îles (Grande Comore, Anjouan et Mohéli) doivent prendre la tête du pays à tour de rôle.
Les relations avantageuses de Sambi
D’après Mahamoud Bencheikh, en conservant le pouvoir, le président chercherait à renforcer ses liens avec les pays arabes et notamment avec l’Iran où il a fait des études de théologie. « De grands groupes arabes sont en rapport avec Sambi, ils disent qu’ils veulent investir dans le pays, mais pour l’instant ce ne sont que des promesses », confie le jeune homme.
Depuis 2008, les Comores, sous l’impulsion d’Ahmed Abdallah Sambi, favorisent la venue des nouveaux investisseurs en délivrant la citoyenneté économique à des milliers d’étrangers pour renflouer les caisses de l’Etat. Pour avoir le droit à la citoyenneté, « il faut que les pays demandeurs présentent un programme d’investissement aux Comores » et que « chaque candidat verse l’équivalent de 2000 euros et s’engage à développer l’économie rurale», stipule le ministre Hamadi dans un article du Monde. Le pays aurait d’ailleurs conclu un premier accord avec les Emirats arabes unis qui auraient promis de verser « à très court terme » 200 millions de dollars aux Comores, selon le ministre.
Les Mohéliens mis à l’écart
Est-ce pour ne pas mettre à mal ces rapports économiques que le président fédéral des Comores a décidé de prolonger son mandat ? Certains Mohéliens en sont convaincus. Pour eux, Ahmed Abdallah Sambi prépare le terrain depuis longtemps. Le 17 mai 2009, il avait appelé à un référendum pour changer la Constitution afin d’allonger son mandat présidentiel de quatre à cinq ans et confier l’harmonisation des élections au Congrès, dont son parti est majoritaire. Une consultation très contestée au vu du faible taux de participation. Si les Mohéliens sont les premiers à pointer du doigt les écarts du président, c’est qu’ils se sentent pour la plupart déconsidérés. « Comme nous représentons 5 à 10% de la population comorienne totale, le gouvernement pense qu’on ne peut prendre la tête du pays », confie Mahamoud Bencheikh.
Si Ahmed Abdallah Sambi ne décide pas de remettre la présidence à l’île de Mohéli en mai 2010 comme il était convenu, les habitants pourraient demander leur rattachement à la France en tant que territoire d’Outre-mer (TOM) ou autoproclamer leur indépendance. « Les autres îles sont dépendantes de Mohéli car c’est elle qui est la première productrice de Manioc et de banane. Sans nous, ils risquent d’être handicapés », observe Mahamoud Bencheikh. En attendant un grand rassemblement est prévu, samedi prochain, à Fomboni, le chef lieu de Mohéli, pour protester contre ce vote du Congrès.