Comores : le correspondant de l’agence Reuters Abdou Moustoifa en garde à vue


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Le Président Azali Assoumani
Azali Assoumani, Président des Comores

Abdou Moustoifa, correspondant de l’agence Reuters aux Comores, a été placé en garde à vue après la publication d’une dépêche controversée concernant des déclarations du Président Azali Assoumani. Cette arrestation ravive les préoccupations sur la liberté de la presse dans l’archipel et soulève des interrogations sur la manière dont les autorités gèrent la critique du pouvoir.

Une affaire de désinformation ?

Tout commence le 24 janvier, lorsque Abdou Moustoifa publie un article relatant une déclaration du Président Azali Assoumani sur sa succession politique. Dans cette déclaration, en langue shikomori, le Président comorien évoquait sa succession, ce qui a été interprété et rapporté par le journaliste comme une référence à un membre de sa famille politique, plutôt qu’à son propre enfant. Cette traduction a provoqué une vive réaction du gouvernement comorien, qui estime que la version de Moustoifa constitue de la « désinformation ».

Le procureur général a immédiatement pris l’affaire en main, ordonnant l’audition du journaliste et le plaçant ensuite en garde à vue. Selon Antoisse Ezidine, directeur de la communication gouvernementale, le ministère public a jugé nécessaire d’agir après cette publication. Il a souligné que la désinformation est un délit reconnu par le code pénal des Comores. Le parquet, cependant, n’a pas répondu aux sollicitations des médias, exacerbant ainsi les interrogations sur les motivations derrière cette décision judiciaire.

Réaction du Syndicat des journalistes

Cette affaire a suscité une réaction immédiate du Syndicat national des journalistes comoriens (SNJC), qui a dénoncé un « acharnement » à l’encontre de Moustoifa et a appelé à sa libération immédiate. Le SNJC estime que ce type de différend relève plutôt du Conseil national de la presse et de l’audiovisuel, et non du domaine judiciaire. Cette fait ressortir les tensions croissantes autour de la liberté de la presse dans le pays, alors que des critiques sur la répression des voix dissidentes se font de plus en plus entendre.

Sur les réseaux sociaux, une vague de soutien en faveur du journaliste a rapidement pris forme, avec des appels à l’arrêt de l’intimidation des journalistes et à la protection de la liberté d’expression. Le climat de liberté de la presse aux Comores est de plus en plus préoccupant. Les journalistes, souvent pris pour cible, ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes quant à la pression croissante exercée par le gouvernement sur les médias.

Azali Assoumani et son pouvoir autoritaire

L’accession d’Azali Assoumani à la Présidence en 2016, après une réélection jugée controversée, a marqué un tournant dans la politique comorienne. L’homme politique, ancien militaire, a d’abord été élu en 1999, avant de quitter le pouvoir en 2006. Son retour en 2016 a entraîné une série de réformes constitutionnelles qui ont élargi ses pouvoirs, déclenchant des critiques sur l’ampleur de sa mainmise sur les institutions. En 2018, il a orchestré un référendum controversé qui a modifié la Constitution pour renforcer son autorité, notamment en limitant le nombre de mandats présidentiels.

Ces réformes ont été largement perçues comme une tentative de prolonger son pouvoir au-delà des limites initialement fixées. Sous son règne, les libertés publiques ont été gravement réduites. La presse a subi des pressions, et plusieurs journalistes ont été emprisonnés ou ont fui l’archipel en raison des menaces pesant sur leur sécurité. Parallèlement, les opposants politiques ont été systématiquement muselés, et le droit de manifester a été sévèrement restreint.

Violations des droits de l’homme aux Comores : un héritage inquiétant

Azali Assoumani a également été accusé de réprimer les voix critiques, ce qui a conduit des organisations internationales de défense des droits humains à s’alarmer de la situation dans le pays. Les cas de violations des droits de l’homme se multiplient aux Comores depuis l’arrivée d’Azali Assoumani au pouvoir. Les répressions violentes des manifestations, les arrestations arbitraires, et les disparitions forcées sont des réalités qui pèsent lourdement sur la société comorienne.

La liberté d’expression et la liberté de la presse, garanties par les conventions internationales, sont constamment bafouées, et les journalistes se retrouvent de plus en plus dans le collimateur du gouvernement. En 2023, plusieurs rapports d’organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International ont dénoncé une aggravation de la répression politique et des abus des forces de sécurité. Les autorités comoriennes ont été accusées d’avoir recours à des méthodes brutales pour réprimer toute forme de contestation, en particulier lorsqu’il s’agit de dénoncer des injustices ou de critiquer la gestion du pays.

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