Le « Anda » (Grand mariage en comorien) occupe une place importante dans la société comorienne, au point que les projets futurs et la place des hommes et femmes se dessine par son accomplissement. Si parfois les familles, surtout de la mariée, peuvent s’enrichir en mariant son enfant, beaucoup lavent leur honneur sous le coup d’endettement exorbitant. Incursion au cœur d’un phénomène de civilisation qui n’a pas fini de diviser ancienne et nouvelle génération.
Tantôt décrié, tantôt adulé, le grand mariage à la Grande Comore a traversé les années et ne semble pas avoir pris une seule ride. Pire ou mieux, il finit toujours par faire plier ses détracteurs, sous la pression de la famille et de la population. La place de l’Homme dans la société comorienne se gagne ainsi.
Aux origines du « Anda »
Taper à l’œil pour gagner sa place dans la société. C’est l’obsession de la population en générale et des parents en particulier. « J’ai marié mon enfant et j’ai dépensé 25 000 euros », « Oh ! Le monde qu’il y avait », suivi d’un mash’allah (Dieu merci) pour ne pas porter l’œil. Des phrases de ce genre, vous les entendrez à l’issue de chaque mariage. Faire mieux que son voisin, son ami, voire même son frère, et pouvoir « mourir en paix ». Le « Anda » remonte aux temps des premiers peuplements des îles Comores. C’est à la Grande Comore que le phénomène se vit le plus. Cette culture venue de la côte orientale africaine, a pris une autre dimension aux Comores. Sous des formes différentes sur les quatre îles de l’archipel des Comores (Grande Comore, Anjouan, Mayotte et Mohéli), avec sa forme pyramidale par sa composition en classes d’âge, l’institution du « Anda » se partage en deux cursus : celui des « wanamdji » (enfant de la ville), et l’autre au plus haut sommet, celui des « wandru wadzima » (hommes complets). Et dans chaque catégorie, des subdivisions distinctives.
La nouvelle génération prise au piège
Combien de parents ont failli être emporté par une crise, face au refus de leur enfant de faire le « Anda ». Bref la chose à ne pas souhaiter à un parent comorien, que son enfant ne réalise pas son grand mariage. Le plaisir des parents passe par les cérémonies du « Anda », bon gré mal gré. Et encore plus quand il s’agit de l’aîné de la famille. Celui qui doit en quelque sorte montrer l’exemple. Le « Anda » constitue un sujet à la fois tabou et de discorde aux yeux de la nouvelle génération. Dans la mesure où le développement de certains villages se fait grâce à l’argent du grand mariage, celui-ci reste incontestablement un bienfait de la société. Mais à quel prix ? Les plus traditionnels vous parleront de son influence dans le respect au sein de la société. Un enfant de la ville ne peut en aucun cas insulter un homme accompli, au risque de se faire sanctionner financièrement ou exclu de la société. Parfois l’âge n’a aucun sens, c’est l’accomplissement des tâches sociétales qui compte. Par ailleurs, ce grand mariage détruit les économies de toute une vie pour certaines personnes soucieuses de gagner une place dans la pyramide instituée par le « Anda ».
Loin d’avoir dit son dernier mot, le « Anda » continue de rassembler toute la société comorienne pendant une semaine d’euphorie et de dépenses en or et en argent inestimables, malgré des reformes timides voulues par certains cadres et hommes politiques.