Al-Qaïda au Maghreb islamique a revendiqué jeudi le rapt des deux otages français, enlevés vendredi au Niger, dont les corps ont été retrouvés après l’intervention militaire française samedi. Les conditions de la mort de Vincent Delory et d’Antoine de Léocour n’ont toujours pas été établies alors que la confusion règne entre Paris et Niamey. Un haut responsable nigérien a affirmé jeudi que les militaires nigériens retrouvés mort à la suite de l’intervention auraient été « victimes de tirs français ».
Un épais brouillard entoure toujours la mort des deux otages français tués au Niger. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué jeudi en début d’après-midi le rapt de Vincent Delory et d’Antoine de Léocour, deux amis de 25 ans, enlevés vendredi à Niamey, dont les corps ont été retrouvés après l’intervention militaire française samedi. Dans un enregistrement audio diffusé par la chaîne al-Jezira, Aqmi affirme que les otages ont été tués lors de combats avec les soldats français pour les libérer, sans pour autant donner plus de précisions sur les circonstances de leur mort.
Les premières conclusions, non officielles, de l’autopsie des corps, réalisée ce matin à l’institut médico-légal de Paris contredisent en partie la thèse française de leur assassinat et n’excluent pas celle d’un tir qui aurait touché le réservoir de la voiture dans laquelle se trouvait une des otages. Selon ces premiers éléments, l’un des otages aurait reçu une balle en plein visage, mais l’autre corps ne porterait pas de trace de blessures par balles et serait calciné.
Faisant fi de ces informations, l’Elysée maintient sa version des faits. « Les corps des deux otages français tués au Niger portent des traces de balles et étaient entravés lorsqu’ils ont été retrouvés », a déclaré jeudi le porte-parole du ministère français de la Défense. « Un des morts est décédé d’une balle dans la tête, le second avait des traces de balles et de brûlure importante », a affirmé Laurent Teisseire. Une version que les autorités françaises maintiennent depuis l’annonce du drame. De passage à N’Djamena, Alain Juppé a répété mardi soir que les otages « ont été probablement exécutés ». « Il n’existe pas de flou dans la séquence des événements », a précisé le ministre de la défense française.
Des militaires nigériens abattus par les forces françaises?
Le « flou » caractérise pourtant une affaire qui donne lieu à une confusion entre Paris et Niamey, alors qu’une enquête judiciaire s’est ouverte mercredi à Niamey sous l’autorité des Nigériens, en présence de magistrat et policiers antiterroristes français. Les autorités nigériennes ont déclaré que les forces françaises leur avaient remis « six cadavres et deux blessés » à la suite de leur assaut au Mali. Ces blessés et ces cadavres n’étaient pas tous des ravisseurs. Pour le ministère français de la Défense, ces personnes, revêtues de l’uniforme de la gendarmerie nigérienne, « n’avaient pas les mains entravées, portaient des armes » et « ont combattu, participé à l’action » contre les forces françaises. Paris questionne leur identité considérant que leur présence au côté des terroristes fait d’eux des complices. Une affirmation contredite par les autorités nigériennes pour qui ces personnes sont bien des gendarmes nigériens. « Il n’existe pas actuellement de terroristes auditionnés par nos services », a ainsi déclaré Cissé Ousmane, le ministre nigérien de l’Intérieur. Un haut responsable gouvernemental nigérien sous couvert d’anonymat a de nouveau contesté jeudi cette affirmation. « Les troupes nigériennes n’ont jamais combattu aux côtés d’Aqmi », a-t-il clamé.
Et la confusion entre les deux pays pourrait rapidement se transformer en différend. Parmi les six cadavres remis par les forces françaises aux autorités nigériennes figuraient deux autres militaires nigériens. Le haut responsable nigérien précédemment cité a dans le même temps affirmé que ces militaires ont été « victimes de tirs français » alors qu’ils « poursuivaient les gens d’Al-Qaïda ». « Je ne dis pas que les militaires français ont fait exprès, mais les militaires (nigériens) dont les corps ont été ramenés par les Français à Niamey, sont morts de tirs français », a-t-il précisé à l’AFP.
Nicolas Sarkozy, qui doit assister lundi aux obsèques des deux otages français, a lui justifié lors du dernier Conseil des ministres l’intervention des forces spéciales et s’est félicité de « l’unité nationale autour d’une décision qui s’imposait ». Une intervention que des amis d’Antoine De Leocour ont, dans une lettre adressée à Alain Juppé, qualifiée « d’échec », demandant par la même occasion la démission du ministre de la Défense français. « Si vous « assumez » si bien cette mission, sachez dire aux Français qu’elle est un échec et prenez véritablement vos responsabilités en démissionnant », indiquent-ils.