Comment Macron et Mohammed VI préparent le pillage du Sahara occidental


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Emmanuel Macron et Mohammed VI
Emmanuel Macron et Mohammed VI

Dans l’immensité du désert nord-africain, le Sahara occidental se dresse comme un territoire aux multiples facettes, où les enjeux économiques, diplomatiques et humanitaires s’entremêlent dans un écheveau complexe. Ce territoire, riche en ressources naturelles mais marqué par un conflit prolongé, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. De récents développements diplomatiques et économiques pourraient redessiner son avenir, mais sans tenir compte de celui de ses habitants.

Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est depuis des décennies l’objet d’un conflit opposant le Maroc, qui revendique sa souveraineté sur le territoire, et le Front Polisario, qui représente les populations autochtones qui milite pour l’indépendance de leur pays. Les Nations Unies, quant à elles préconisent un référendum d’autodétermination, conformément au droit international. Ce référendum, qui devait permettre à la population locale d’obtenir son indépendance, n’a jamais été organisé, le Maroc transférant petit à petit des colons en vue d’être majoritaire lorsque le vote se déroulera.

Cette situation d’entre-deux a longtemps freiné le développement économique de la région, tout en maintenant une partie importante de la population sahraouie dans une situation précaire. Sous la pression marocaine, de nombreux Sarahouis ont trouvé refuge dans des camps humanitaire en Algérie, notamment à Tindouf. Cependant, les richesses naturelles du territoire continuent d’attiser les convoitises et d’influencer les dynamiques régionales et internationales.

Un trésor sous le sable

Le sous-sol et les eaux du Sahara occidental recèlent des ressources naturelles considérables, dont l’exploitation pourrait transformer l’économie de la région.
Les phosphates constituent la principale richesse connue du territoire. La mine de Bou Craa, l’une des plus vastes au monde, produit annuellement environ 3 millions de tonnes de ce minerai essentiel à l’agriculture moderne. Un impressionnant convoyeur de 100 kilomètres, visible depuis l’espace, transporte cette richesse vers la côte pour son exportation. L’exploitation, gérée par l’Office Chérifien des Phosphates (OCP), représente une manne financière considérable pour le Maroc.

Les eaux côtières du Sahara occidental, parmi les plus poissonneuses au monde, regorgent de sardines, maquereaux et poulpes. Cette ressource, exploitée notamment dans le cadre d’accords controversés entre le Maroc et l’Union européenne, est cruciale pour l’économie locale. Cependant, la surpêche menace cet écosystème fragile, soulignant l’urgence d’une gestion durable.

Sous les eaux qui bordent le Sahara occidental pourrait se cacher une autre fortune : le pétrole et le gaz naturel. Bien que leur présence reste à confirmer, les estimations laissent entrevoir un potentiel de plusieurs milliards de barils. Des entreprises marocaines, notamment l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), ont mené des explorations, parfois en partenariat avec des compagnies internationales. Ces activités, menées dans un flou juridique, soulèvent des questions éthiques et attisent les tensions.

Paradoxalement, ce territoire aride offre un immense potentiel en énergies renouvelables. Avec plus de 3000 heures d’ensoleillement annuel et des vents constants, le Sahara occidental pourrait devenir un acteur majeur de la transition énergétique. Des projets de parcs solaires et éoliens, notamment près de Dakhla, commencent à émerger, promettant une nouvelle ère énergétique pour la région.

Enfin, le sel des salines d’Oum Dbaa et le fer des gisements frontaliers avec la Mauritanie complètent ce tableau de ressources diversifiées. Bien que leur exploitation reste limitée, ces minerais représentent des opportunités de développement économique non négligeables.

Un tournant diplomatique

Juiillet 2024 a marqué un tournant dans l’approche diplomatique de la question du Sahara occidental du côté français. Le 30 juillet, le président français Emmanuel Macron a affirmé le soutien de la France à la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental dans une lettre adressée au roi Mohammed VI. Cette déclaration symbolique, faite à l’occasion de la Fête du Trône, a été qualifiée d’historique par certains observateurs.

Macron a affirmé que « l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue », alignant ainsi sa position avec le plan marocain et allant à contre-courant du droit international. Cette position vise à renforcer les liens bilatéraux avec le Maroc, un partenaire stratégique pour la France, tout en espérant stabiliser la région et lutter contre le terrorisme.

Il est important de noter que cette déclaration, bien que significative, n’engage pas officiellement la France, étant donné la perte de majorité parlementaire de Macron. Elle reflète néanmoins une évolution notable de la position française, traditionnellement plus neutre sur ce sujet.

Quelques mois plus tôt, en avril, Stéphane Séjourné, alors ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères et proche de Macron, avait cependant effectué une visite au Maroc pour discuter de la coopération économique, notamment en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental. Lors d’une interview, Séjourné avait confirmé le soutien français à la « marocanité économique » du Sahara, soulignant le développement économique de la région par le Maroc. « Le Maroc développe économiquement cette zone. Nous avons même été un peu au-delà puisque nous allons même faire venir des opérateurs publics pour la développer avec eux », avait-il déclaré.

Ces prises de position ouvraient déjà la voie à une intensification de la coopération économique franco-marocaine dans la région, avec la perspective de nouveaux investissements et de projets de développement.

La situation du peuple sahraoui

Au cœur de ce conflit et des enjeux économiques se trouve le peuple sahraoui, dont la situation reste précaire et controversée. La population sahraouie est aujourd’hui divisée entre ceux vivant dans les territoires contrôlés par le Maroc, ceux résidant dans les camps de réfugiés en Algérie (principalement près de Tindouf), et une diaspora dispersée à travers le monde.

Environ 173 000 réfugiés sahraouis vivent dans des camps en Algérie depuis plus de quatre décennies. Les conditions de vie y sont difficiles, avec un accès limité à l’eau, à l’électricité et aux soins de santé. Ces camps dépendent largement de l’aide humanitaire internationale et des efforts de l’Algérie.

Dans les zones contrôlées par le Maroc, des organisations de défense des droits humains ont signalé des restrictions sur la liberté d’expression, d’association et de réunion pour les Sahraouis militant pour l’autodétermination. Des allégations de discriminations et de violations des droits de l’homme persistent.

Le peuple sahraoui lutte pour préserver son identité culturelle distincte, y compris sa langue (le hassaniya), ses traditions nomades et son mode de vie. Cette préservation est particulièrement difficile dans les zones sous contrôle marocain, où des politiques d’intégration forcée sont mises en œuvre.

La question de la participation équitable des Sahraouis aux bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles de leur territoire reste un point de contentieux majeur. Beaucoup estiment ne pas profiter suffisamment du développement économique de la région.

Le Front Polisario, reconnu par l’ONU comme le représentant légitime du peuple sahraoui, continue de militer pour l’autodétermination et l’indépendance. Cependant, son influence est limitée dans les zones contrôlées par le Maroc.

La jeunesse sahraouie, en particulier, fait face à des défis importants en termes d’éducation et d’emploi. Le manque d’opportunités économiques et la frustration politique alimentent des tensions persistantes.

Perspectives : pillage ou développement économique

L’évolution de la position française et les perspectives de coopération économique accrue marquent un tournant potentiel dans l’histoire du Sahara Occidental. Cependant, plusieurs défis persistent. La légalité de l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental reste contestée, les Nations Unies n’ayant pas reconnu la souveraineté marocaine sur ce territoire, ce qui pose des questions cruciales sur le respect du droit international et des résolutions onusiennes. De plus, la distribution équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources naturelles entre toutes les parties concernées, y compris la population sahraouie, est essentielle.

Garantir que les Sahraouis bénéficient directement des revenus générés est une priorité pour assurer une justice économique et sociale. La gestion durable des ressources, notamment halieutiques et hydriques, constitue un enjeu majeur dans cette région aride.

L’exploitation doit être réalisée en respectant les principes de durabilité environnementale pour préserver les écosystèmes locaux et les moyens de subsistance des populations. Enfin, la conciliation entre le développement économique et le respect des droits de l’homme et du droit à l’autodétermination des Sahraouis reste un défi complexe. Toute initiative économique doit être menée dans le respect des droits fondamentaux des populations locales, en garantissant leur participation et leur consentement aux projets de développement. En passant outre la volonté des Sahraouis, la France et le Maroc vont à l’encontre d’une solution durable et juste pour la région.

L’avenir du Sahara occidental et de son peuple dépend de la capacité des différentes parties prenantes à trouver un équilibre entre développement économique, respect du droit international et aspirations des populations locales. Dans ce désert aux multiples enjeux, chaque grain de sable compte dans la balance de l’histoire, et la résolution durable du conflit nécessitera un dialogue inclusif et une approche équilibrée prenant en compte les intérêts de tous les acteurs concernés.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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