La piraterie qui sévit aux alentours des eaux somaliennes inquiète de plus en plus les grands pays du monde qui dépendent fortement de leur commerce extérieur. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé des actions anti-piraterie sur terre comme sur mer, mais le problème n’est pas limité à la Somalie et exigera une coopération régionale et internationale renforcée qui prenne en compte les questions sous-jacentes qui expliquent le développement de ce phénomène.
Les actes de piraterie répétés et spectaculaires sur les côtes de Somalie ont amené le Conseil de sécurité à se réunir quatre fois au cours du second trimestre de 2008, dans le but d’entreprendre de contrôler la menace qui pèse sur le trafic commercial dans une des voies maritimes les plus importantes du monde. Mais comme l’a déclaré en octobre Dumisani Kumalo, Représentant de l’Afrique du Sud à l’ONU, en Somalie la piraterie “fait partie du problème plus global de l’absence de paix et de stabilité.”
La piraterie n’est pas limitée aux eaux somaliennes mais existe sur d’autres voies maritimes, particulièrement là où leur contrôle n’est pas suffisant comme dans le golfe de Guinée qui a connu 40 actes de piraterie entre janvier et novembre 2008.
Encore plus loin, toujours plus audacieux
On a constaté cette année une augmentation spectaculaire du nombre d’attaques au large de la Somalie. Sur plus de 440 actes de pirateries qui y ont été recensés par l’Organisation maritime internationale (OMI) depuis 1984, 120 ont eu lieu dans les dix premiers mois de 2008. Les pirates somaliens opèrent aussi de plus en plus loin dans l’Océan Indien à partir de leurs bases dans le Nord de la Somalie. Le Sirius Star, un superpétrolier transportant 2 millions de barils de pétrole, a été saisi à 450 miles nautiques (833 kilomètres) au sud-est de Mombasa, le port du Kenya, bien plus loin au sud qu’auparavant.
Sans gouvernement effectif, mais dotée de longues plages isolées et habitée par une population désespérée et habituée à la guerre, “la Somalie est l’environnement parfait pour permettre à la piraterie de prospérer,” explique un rapport de Chatham House, un institut de recherche britannique.
Au Puntland, la région de Somalie la plus associée à la piraterie, celle-ci est considérée comme une importante source de revenu et d’emplois pour des centaines de personnes, entre autres ceux qui fournissent le carburant et équipent les bateaux pirates. Un tel nombre de gens en profite que les autorités locales sont peu portées à intervenir.
Combattre la piraterie avec succès est possible ; jusqu’en 2004 le détroit de Malacca, l’étroit passage qui s’ouvre entre la Malaisie, l’Indonésie et Singapour, était la région du monde la plus sujette à la piraterie. Les patrouilles aériennes et maritimes quotidiennes et conjointes des trois pays ont éventuellement réussi à réduire le nombre d’attaques d’environ deux tiers.
En juin, le Conseil de sécurité a autorisé plusieurs pays à conduire des patrouilles similaires au large de la Somalie, depuis, des navires de guerre de l’OTAN, de l’Union européenne ainsi que de la Russie et de l’Inde, se sont relayés pour assurer la surveillance de cette zone. Le nombre d’attaques réussies est ainsi tombé entre août et octobre de 53 % à 31 %. Mais la zone concernée — estimée à 6,5 millions de kilomètres carrés —est trop vaste pour être contrôlée efficacement.
Des capacités limitées
Les pays africains n’ont pas “l’argent pour le carburant, encore moins le matériel pour assurer une surveillance adéquate en mer et la sécurité des ports,” affirme Chris Trelawny, Directeur de la sécurité maritime à l’OMI. Les pays côtiers africains auraient besoin de “systèmes d’alerte précoce et de services renseignement efficaces, de forces de dissuasion et d’intervention crédibles… dotées d’une haute mobilité… et de la capacité de mener des opérations prolongées,” explique Len le Roux de l’Institut sud-africain des études de sécurité. Des moyens “qui font douloureusement défaut en Afrique.”
Le Nigeria, riche pays pétrolier dans les eaux duquel la piraterie prospère, a la meilleure marine de guerre de l’Ouest de l’Afrique. Mais en 2005, son ancien commandant déclarait aux médias locaux que “dans son état actuel” elle était incapable de protéger les eaux territoriales du pays, car elle était “mal équipée et sous-financée.” Les eaux au large du Cameroun et de l’Angola sont également exposées à la piraterie, face à des marines encore moins bien équipées.
Nécessité d’une approche régionale
La communauté internationale aide aujourd’hui les pays d’Afrique de l’Ouest à mieux assurer la sécurité maritime. Les Etats-Unis et les pays européens collaborent avec les marines de guerre locales pour renforcer leurs moyens et organisent le contrôle de ces eaux territoriales conjointement avec les pays africains. Ces partenariats sont en partie motivés par l’intérêt stratégique d’une région exportatrice de pétrole, mais aussi par les inquiétudes que suscite l’utilisation récente des eaux d’Afrique de l’Ouest par les trafiquants de cocaïne et les immigrants clandestins à destination de l’Europe.
Les Etats-Unis et l’Europe fournissent aujourd’hui équipement et entraînement au Nigeria, au Ghana et au Libéria. L’ONU, par le biais du département sécurité de l’OMI, aide pour sa part 24 pays d’Afrique de l’Ouest à établir des liens entre leurs garde-côtes, Interpol, les marines de guerre voisines et les assureurs qui ont subi des pertes, afin de pouvoir mettre en commun les renseignements recueillis.
Mais ni l’entraînement et un meilleur équipement des forces navales, ni une meilleure police de la mer ne seront suffisants, a affirmé un rapport du Bureau des Nations Unies sur les drogues et la criminalité (UNODC); renforcer la “légitimité des gouvernements,” “lutter contre la corruption” et remédier à une pauvreté endémique sont essentiels si on veut priver les éléments criminels d’un environnement favorable aux activités illégales.
“La coopération régionale est essentielle,” a déclaré à la mi-décembre Antonio Maria Costa, Directeur général de l’UNODC. La résolution votée en décembre par le Conseil de sécurité appelle les pays africains à coopérer pour placer des policiers à bord des navires de guerre opérant dans les eaux somaliennes et à faire juger les pirates capturés par leurs tribunaux nationaux, une méthode qui a fait ses preuves dans les Antilles.
Néanmoins, les représentants africains qui sont intervenus à la réunion de décembre du Conseil de sécurité ont exprimé le souci que le combat contre la piraterie ne se fasse pas aux dépens de la résolution des problèmes de paix, de sécurité et de crise humanitaire qui se posent en Somalie.
Par Mary Kimani, pour Afrique Renouveau