L’inventivité du régime tunisien pour justifier la censure est sans limites ! et sans vergogne.
L’inventivité du régime tunisien pour justifier la censure est sans limites… et sans vergogne.
En Tunisie, la censure n’existe pas. Officiellement. Le Président Ben Ali a même précisé que les journalistes sont libres de s’exprimer et d’user de leur sens critique, mais qu’ils ne le font pas. Pourtant, tout article doit d’abord passer par le ministère de l’Intérieur avant d’être publié ; des journalistes sont menacés et arrêtés lorsqu’ils ne protègent pas le » consensus » mentionné dans le code de la presse, et les publications étrangères sont bien souvent interdites d’entrée sur le territoire, ou au mieux retardées. Même le réseau Internet est doté d’un système de censure.
Il y a deux ans, lorsque certains sites n’étaient pas accessibles depuis la Tunisie, les fournisseurs répondaient qu’il s’agissait de simples mesures de sécurité. Aujourd’hui, ces mêmes fournisseurs répondent plus franchement » Vous savez, il y a des sites interdits en Tunisie » et proposent même des proxy pour contourner cette censure. Le rapport annuel d’Amnesty indique que » tout au long de l’année 1999, l’accès depuis la Tunisie aux sites web d’organisations de défense des droits humains, dont celui d’AI, a été bloqué. L’accès à des services de courrier électronique gratuits a également été verrouillé après que des défenseurs des droits humains eurent ouvert des comptes gratuits sur ces sites. » Au nom de la sécurité des usagers, pourquoi alors ne pas verrouiller les sites pornographiques qui sont, eux, accessibles sans peine.
Devançant une censure non avouée, les journalistes préfèrent l’autocensure, l’uniformité de ton, le silence. Pour Taoufick Ben Brick, journaliste tunisien dont on se souvient des 42 jours de grève de la faim après son inculpation en avril 2000 pour » diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public et pour diffamation de corps constitué (la police), il n’y a ni censure, ni liberté d’expression, ni presse en Tunisie. » Le titre de journaliste existe, mais pas la fonction, si on dit qu’en Algérie on tue des journalistes, en Tunisie on a tué le métier », affirme-t-il avec vigueur. Son combat ne s’est pas arrêté et il est fier de préciser : » Je suis revenu en Tunisie et je veux me battre pour que mes livres se lisent en Tunisie. » Mais lors de sa dernière arrivée à l’aéroport de Tunis, il s’est fait saisir sa valise remplie de livres.
A son retour du Forum Euromed de Marseille le secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) s’est vu confisquer une brochure traitant de la torture en Tunisie, ainsi que quatre livres publiés par reporters sans Frontières. Aujourd’hui les autorités ont fermé les bureaux de la LTDH et ont pris accès à toutes leurs informations. Il s’agit bien d’une protection du consensus peu consensuelle.
Olivia Wagner