L’instrumentalisation politique et diabolique de la mort de DJ Arafat par le régime Ouattara-Bakayoko : une catastrophe morale et spirituelle en Côte d’Ivoire (I)
L’Editorial du Professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun
Impitoyable destin que celui d’un jeune et très populaire artiste de Côte d’Ivoire ! Mort spectaculairement brutale, héroïsation officielle aveugle, exhumation macabre d’une foule en folie. Voilà le triangle infernal dans lequel le grand Yôrôbô, le Daïshikan de la Côte d’Ivoire vient d’être pris en tenailles. Nous avons vu, entendu, vécu autour de ce triple scandale, tout et le contraire de tout. La tragédie prend-elle vraiment fin à présent ? L’épilogue est-il enfin possible ? Le soufflet de l’émotion, progressivement, retombe en Côte d’Ivoire, après le décès de la star du Coupé-Décaler, DJ Arafat –Ange Didier Houon de son vrai nom- à la suite du terrible accident de la circulation dont il a été acteur et victime dans la nuit du dimanche 11 août 2019 à Abidjan. On peut à présent espérer que la raison, ce bon sens dont Descartes disait qu’il est la chose du monde la mieux partagée, reprenne ses pouvoirs sur tous les esprits enfiévrés et enténébrés par cette séquence émotionnelle, où l’hystérie et le délire ont largement supplanté la réflexion et la prudence des âmes saines. A présent, on peut se demander ce qui s’est réellement passé et ce qu’il conviendrait objectivement d’en penser. Et dans cette perspective de lucidité, voici nos questions directrices : 1) Dans quelles circonstances Arafat DJ est-il réellement mort ? 2) Quelles ont été les réactions les plus importantes devant la mort accidentelle d’Arafat DJ et que devrait-on en penser ? 3) Que penser de la nature profonde de la cérémonie officielle dédiée à Arafat DJ par le régime d’Alassane Ouattara, avec l’exhumation populaire et hystérique qui l’a sanctionnée dès la matinée du 31 août 2019 ? Cet éditorial en trois livraisons successives espère éclairer décisivement ces trois questions, afin de contribuer à l’apaisement et au dépassement des opinions en folie.
I
Comment Arafat DJ est-il mort ? Retour sur les cinq facteurs d’un contexte mortifère
-1) Arafat DJ est mort des suites d’un accident de la circulation survenu dans une voie publique d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Roulant à vive allure sur une moto, dépourvu d’un casque, l’artiste a violemment percuté à l’arrière, un véhicule piloté par une dame, journaliste de son état à la RTI, Denise de Laphaphiet. Sur les routes, soyons bien clair : celui qui cogne par derrière est presque systématiquement en tort, quand il n’a lui-même été poussé par aucun autre véhicule ou acteur intentionnel. Arafat DJ a donc été victime de lui-même d’abord.
La brutalité du choc, qui lui a fracassé la boîte crânienne, ne lui a laissé, hélas, aucune chance de rémission. Passionné de moto au point d’en faire l’un des titres-phares de sa production musicale, Arafat DJ était pourtant connu de longue date par les abidjanais pour ses excès sur la voie publique. IL n’en était du reste pas à son premier incident et à son premier accident dus à cet excès récurrent. Son imprudence dans la circulation routière était un fait divers bien ordinaire. Au point qu’on peut dire sans risque de se tromper que ce n’est pas l’accident d’Arafat DJ qui a surpris les Ivoiriens, mais bien plutôt la mort qui s’en est suivie. On le savait vulnérable, mais beaucoup le croyait biologiquement immortel. Funeste illusion.
2-L’autre facteur qui a présidé à la possibilité de cette tragédie, c’est bien évidemment l’attitude de la police et de la gendarmerie, plus largement l’attitude des autorités ivoiriennes envers Arafat DJ avant, pendant et après son accident : connu pour ses frasques à Moto, Arafat ne s’était jamais vu retirer son permis de conduire, ni interdire l’exercice excessif de sa passion de la vitesse et des cabrioles sur la voie publique.
Le laxisme des autorités envers ses violations du code de la route l’a donc amplement aidé à se tuer. N’est-ce du reste pas le signe d’une inconséquence généralisée sur les routes de Côte d’Ivoire et d’Afrique en général ? Les autorités s’y signalent souvent, bruyamment, arrogamment et ouvertement par le mépris du code de la circulation. La moindre personne bénéficiant d’une couverture en haut lieu leur emboîte le pas, sûre de son impunité. Nos villes et campagnes africaines sont dès lors des mouroirs à ciel ouvert, offertes aux fantasmes de ces Zorros de la voie publique.
Pendant l’accident, on sait le retard caractéristique des services de pompiers d’ambulance, qui n’a laissé aucune chance à Arafat DJ : une prise en charge médicale rapide est l’une des conditions d’une possible survie à ce type de choc. Or l’on sait que l’artiste était pratiquement mort quand les ambulances sont venues le prendre en charge.
Enfin, la police, la gendarmerie et les autorités ivoiriennes ont brillé par leur flou communicationnel après l’accident. Au lieu de rendre pédagogiquement compte aux populations des circonstances réelles de l’accident, la communication officielle s’est réfugiée dans le flou et la confusion artistiques : dans quel état biologique la victime roulait-elle ? Arafat DJ avait-il consommé beaucoup d’alcool ? Des analyses de sang ont-elles été effectuées pour savoir sous l’effet de quel(s) stupéfiant(s) éventuels la victime violait ainsi le code de la Route ? Quels en sont les résultats ? Le Procureur d’Abidjan, si habituellement volubile dans la traque contre les citoyens exerçant leurs libertés fondamentales, avait tout d’un coup disparu, laissant le pouvoir aux rumeurs, aux humeurs et aux clameurs de l’imaginaire collectif. En se taisant sur ces éléments de police scientifique, les autorités ivoiriennes ont donc incontestablement contribué par omission à ouvrir la voie à l’imagination populaire et au délire des fans du célèbre accidenté. Car l’occasion était belle de restituer les circonstances réelles de l’accident au public et d’éduquer les usagers de la route aux exigences de sécurité si souvent négligées du sommet à la base de la société ivoirienne. On ne l’a pas saisie, cette occasion de conscientisation. Alors, la folie des passions a pris le dessus sur la sagesse de la raison.
3-IL y a un facteur psychologique avéré de l’accident de DJ Arafat : le contexte psychologique dans lequel se trouvait l’artiste était bel et bien un état de dépression avancée. Interdit d’accès sur de nombreux médias publics et privés ivoiriens qui le censuraient sur recommandations de puissantes autorités, Arafat DJ se sentait menacé, boycotté, exclu par des autorités ivoiriennes et de nombreux magnats du monde artistique local. IL en avait fait lui-même état dans de nombreuses confidences publiques à l’adresse de ses fans, les fameux « Chinois », ces millions de passionnés du coupé-décaler haletant du grand Yôrôbo. Il faut en outre dire que DJ Arafat n’était pas pour rien dans ses déboires avec les puissances locales : à lire les avertissements célèbres d’un Asalfo, le leader de Magic System, ou à analyser les annales des conflits récurrents entre DJ Arafat et des artistes locaux comme Debordo Lekunfa, on voit que la vie du fils de Tina Glamour était loin d’être un long fleuve tranquille.
4- Le facteur intime de l’accident de DJ Arafat s’est avéré en relation avec sa souffrance intérieure profonde, à la suite de son abandon par celui qui s’était pourtant présenté aux Ivoiriens comme son père adoptif, le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, appelé Hambak par ses fans. Censuré, menacé, brimé, DJ Arafat pouvait espérer compter sur son « père ». Hélas, tous les témoignages confirment que celui-ci l’avait aussi abandonné. Le soir-même du 11 août 2019, Hamed Bakayoko recevait la crème du couper-décaler ivoirien à son domicile, en omettant d’inviter le malheureux Arafat DJ qui ne pouvait qu’en concevoir une plus amère déception. L’homme qui s’est tué en moto le dimanche 11 août 2019 était donc désespérément incompris, gravement isolé, psychologiquement torturé. La solitude et la dépression sont, on le sait, de puissantes alliées pour conduire un homme aux enfers.
Dès, lors concluons la première partie de notre investigation : Arafat DJ est mort d’un accident de la route, provoqué par sa propre passion aveugle de la vitesse et son mépris du code de la circulation ; Arafat DJ est mort d’un accident favorisé par le laxisme des autorités ivoiriennes ; Arafat DJ a vu sa mort devenir la proie des fantasmes populaires en raison du manque de professionnalisme de la communication officielle ivoirienne ; Arafat DJ est mort d’avoir été abandonné par les magnats de l’art, des médias et de la musique ivoirienne ; Arafat DJ est mort de sa dépression et sa solitude aggravées par son abandon brutal par celui qui s’était pourtant proclamé publiquement comme son « père », le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, que les Ivoiriens appellent par ailleurs le roi de la nuit abidjanaise, nom qui n’est pas sans relation avec une certaine messe noire que nous décrirons dans la seconde et la troisième parties de cette série éditoriale.