Comment le Congo cache l’argent du pétrole à ses créanciers…


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Le Congo pratique des « montages peu orthodoxes » dans le secteur pétrolier, mais seulement pour « échapper à ses créanciers vautours », a expliqué dimanche le Premier ministre congolais. Si l’ONG Global Witness reconnaît cette pratique, dénoncée dans un procès défavorable au Congo en novembre dernier, elle fait remarquer que l’argent qui échappe aux créanciers échappe également aux Congolais pour se retrouver dans des sociétés écran appartenant à des proches du Président.

« Nous sommes harcelés, des créanciers vautours cherchent partout nos revenus pour que nous remboursions nos dettes. Nous sommes obligés de protéger notre argent par des mécanismes parfois peu orthodoxes », a expliqué dimanche le Premier ministre congolais, Isidore Mvouba. Cinq jours plus tôt, le député Joseph Kignoumbi Kia Mboungou avait fait une sortie médiatique, devant le Parlement, en sollicitant « la mise en accusation devant la Haute cour de Justice du Président Denis Sassou Nguesso pour haute trahison ». Le chef de l’Etat, a poursuivi le secrétaire national de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), est coupable d’« actes de vandalisme, de sabotage, d’enrichissement illicite, de concussion, de détournement et de dilapidation des deniers publics ».

Sa requête, qui n’a aucune chance d’aboutir dans un hémicycle acquis au parti présidentiel, fait suite à un jugement rendu par un tribunal britannique, le 28 novembre dernier, à l’issue d’un procès perdu par le Congo contre l’un de ses créanciers. Le Premier ministre n’a fait que confirmer ce jugement. Ce dernier avait révélé que des officiels congolais avaient participé à la vente du pétrole de l’État, à travers un réseau élaboré de sociétés offshore, destiné à tenir les revenus pétroliers hors de portée des créanciers qui tentent de saisir les actifs de la Société nationale de pétrole congolais (SNPC).

300 millions de dollars évaporés en 2004

Dans un rapport publié en décembre dernier, l’ONG britannique Global Witness explique que « le tribunal a identifié un trafic d’au moins 472 millions de dollars US, qui ont transité à travers deux sociétés, Sphynx Bermuda et Africa Oil and Gas Corporation », la seconde ayant récupéré la majeure partie des bénéfices dégagés par les ventes. Elle ajoute que le système de sociétés écran était entièrement contrôlé par Denis Gokana, conseiller spécial du Président et dirigeant de la SNPC. Ses liens avec Sassou Ngesso vont lui permettre de ne pas être « inquiété pour l’un des crimes les plus odieux contre l’Etat et le peuple congolais : le bradage du pétrole », a tonné mercredi Kignoumbi Kia Mboungou.

Alors que le Premier ministre congolais explique que le but de ces pratiques était uniquement d’échapper aux créanciers, Global Witness estime qu’il s’agissait aussi pour les sociétés écran appartenant aux proches de Sassou Ngesso, parmi lesquels Denis Gokana, qui achète avec ses sociétés le pétrole de la compagnie nationale qu’il dirige, de s’enrichir. Selon les ONG participant à la campagne « Publiez ce que vous payez », lancée en 2002, l’écart entre la somme perçue en 2004 par la SNPC et les revenus pétroliers reçus par le Trésor était de 300 millions de dollars, soit un tiers des revenus pétroliers congolais.

650 millions de dollars remboursés avec 1,4 milliards

Cette gestion opaque est rendue possible par l’emprunt gagé sur le pétrole, une pratique de pays pauvres riches en ressources naturelles. Ces emprunts, selon Global Witness, instaurent un environnement « propice à la corruption et à la mauvaise gestion des fonds publics », puisqu’ils sont coûteux, ne contraignent pas les gouvernements à indiquer de quelle manière ils ont été contractés, ni à opérer un suivi de l’utilisation de cet argent.

L’ONG britannique cite en exemple une action en justice intentée aux Etats-Unis, contre la SNPC, qui a identifié sur la période 1999-2003 des prêts d’une valeur de 650 millions de dollars remboursés avec 1,4 milliard de dollars de pétrole. Le gouvernement congolais a promis en 2001, 2002 puis 2003, au titre du programme du FMI, de stopper cette pratique. Mais il n’a toujours pas respecté son engagement.

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