Alors que les populations sud africaines ont un besoin cruel de médicaments, les nouveaux médicaments ont un mal fou à pénétrer le marché du pays. Pourquoi ?
Dans leur article, Urbach et Stevens, dénoncent la lourdeur de la réglementation sud africaine qui entrave lourdement la mise sur le marché de nouveaux médicaments. Les démarchent peuvent prendre 2 ans pour les médicaments prioritaires et peuvent aller jusqu’à 38 mois pour les autres. Les raisons sont nombreuses dont le manque de ressources humaines. Les auteurs suggèrent alors de s’appuyer sur les résultats des contrôles faits par d’autres pays crédibles pour la mise sur le marché du médicament concerné. Cela éviterait de tout reprendre à zéro et réduirait à la fois les délais et les coûts. Les bénéficiaires seront avant tout les malades !
De nombreux problèmes gangrènent le secteur de la santé en Afrique du Sud. L’un des plus frustrants est l’incapacité du régulateur du marché des médicaments, le « Medicines Control Council » (MCC) à homologuer les médicaments en temps opportun. Cette inertie bureaucratique prive des milliers de patients sud-africains d’un accès facile aux médicaments. Pour les patients atteints du cancer et du VIH, ces retards pourraient même être mortels.
Dans presque tous les pays, les autorités, avant la mise sur le marché d’un médicament, font des tests pour vérifier l’efficacité et la sureté. Malheureusement en raison du fait de la lourdeur des procédures, les médicaments déjà approuvés dans d’autres pays, trainent à faire leur entrée sur le marché sud africain.
Les données du ministère de la Santé montrent que l’homologation prend en moyenne 37 mois pour un médicament générique et 38 mois pour un nouveau médicament. Selon les chiffres du gouvernement, seulement 70% des nouveaux médicaments ciblés par l’examen accéléré prioritaire (Cancer, VIH, médicaments contre la tuberculose et vaccins), sont approuvés dans les deux ans. Ces délais sont déprimants pour les malades dans l’attente.
Comment expliquer cela ? D’abord, le manque de ressources humaines est clairement un facteur déterminant. Une autre raison est que le gouvernement a une politique pro-générique pour permettre d’accroitre l’accès à des médicaments à prix abordables. Cette loi oblige à privilégier les importations des médicaments les moins coûteux au détriment d’autres médicaments. Sans surprise, la réforme a conduit à une explosion des demandes d’enregistrement par les fabricants de génériques, soit plus de 2 500 entre 2007 et 2012, selon des chercheurs de l’Université du Cap-Occidental. Les maigres ressources de le MCC ont déjà été englouties et il continue de lutter contre l’afflux ininterrompu des demandes.
Une solution à ce problème de capacité est que le MMC ne tente pas de mener l’ensemble du processus d’examen lui-même, mais plutôt de s’appuyer sur le travail des plus grands régulateurs de médicaments étrangers qui sont mieux dotés en termes de moyens. Cela permettrait d’éviter les doubles emplois, d’économiser l’argent public et d’accélérer l’accès aux médicaments.
L’année dernière, un responsable du MMC, le Dr Joey Gouws, a déclaré, lors d’une conférence internationale des régulateurs des médicaments au Cap, qu’il est nécessaire de coordonner les actions de son service avec celles de la Food and Drug Administration (FDA). Au lieu d’allonger la chaine des autorisations de mise sur le marché, il faudrait une convergence règlementaire qui permettrait aux petits pays d’économiser de l’argent et de gagner du temps en s’appuyant davantage sur le jugement d’experts des grands organismes de réglementation.
Actuellement, selon le Dr Gouws, il n’y a pas de convergence réglementaire entre l’Afrique du Sud et les autres pays, ce qui signifie que les régulateurs ne partagent même pas avec l’Afrique du Sud les rapports sur les médicaments déjà examinés. Cependant, signe encourageant, il est prévu qu’en avril, le MCC devienne l’Agence sud-africaine de réglementation des produits de santé, avec une nouvelle législation permettant le partage d’informations avec d’autres organismes.
Le MCC a déjà signé des mémorandums d’accord avec la Suisse et le Royaume-Uni comme pays de référence dans le processus d’approbation des médicaments. D’autres accords en cours d’élaboration sont conclus avec l’Organisation mondiale de la santé pour les médicaments prioritaires ; avec le Brésil pour les dispositifs médicaux ; et la Chine pour les ingrédients pharmaceutiques actifs.
Ce partage d’informations serait une étape importante. Mais il ne faudrait pas s’arrêter là. A ce propos, l’exemple de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte pourrait être inspirant : les deux pays ont introduit, début 2017, de nouveaux systèmes d’homologation des médicaments qui font référence aux décisions prises par la FDA aux États-Unis. Ces réformes feront passer les délais actuels, d’ autorisation de mise sur le marché, de 12-36 mois à 1 ou 2 mois, soit une réduction de plus de 90%. Une aubaine pour les patients !
Pour les pays à revenu intermédiaire qui se débattent sous des charges multiples en matière de santé et qui ont des ressources limitées, il s’agit d’une réforme sensible et sans frais qui sauverait des vies. Voici une initiative que nous devrions imiter en Afrique du Sud.
Urbach est analyste pour The Free Market Foundation, et Stevens est directeur de Geneva Network.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.