Commémoration du débarquement en Provence : Mohammed VI se fait représenter et l’Algérie décline l’invitation


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Commémoration du 80e anniversaire du 15 aout 1944 Paul Biya et Emmanuel Macron
Commémoration du 80e anniversaire du 15 aout 1944 Paul Biya et Emmanuel Macron

La cérémonie du 80ème anniversaire du débarquement de Provence, censée célébrer la mémoire des combattants nord-africains, s’est transformée en un révélateur des tensions diplomatiques actuelles. L’absence du roi Mohammed VI et le refus de l’Algérie de participer mettent en lumière l’échec de la stratégie diplomatique française dans la région.

Le 15 août 2024, la France a commémoré le 80ème anniversaire du Débarquement de Provence, un événement majeur de la Seconde Guerre mondiale qui a marqué le début de la libération du Sud de la France. Cette cérémonie, empreinte d’émotion et de solennité, s’est déroulée à la nécropole nationale de Boulouris à Saint-Raphaël, en présence du Président français Emmanuel Macron et de nombreux dignitaires étrangers. A noter que le doyen Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982 était assis à la place d’honnaur, à coté du président français Emmanuel Macron. Cependant, l’événement a été marqué par deux absences notables : celle du roi Mohammed VI du Maroc et celle de représentants algériens.

Cette double absence représente un échec cuisant pour l’Élysée, qui semble avoir abandonné son allié traditionnel algérien pour un rapprochement avec le Maroc, lequel n’a même pas daigné envoyer son monarque pour l’occasion. Cette situation met en évidence les limites de la nouvelle stratégie diplomatique française dans la région, qui peine à concilier ses intérêts avec les sensibilités historiques et les enjeux géopolitiques actuels.

Une représentation marocaine de haut niveau, mais sans le roi

Parmi les invités de marque, on notait cependant la présence d’Aziz Akhannouch, Chef du Gouvernement marocain, représentant le roi Mohammed VI. Dans une déclaration à la presse, M. Akhannouch a souligné l’importance de cette commémoration pour honorer la mémoire des soldats africains, notamment marocains, qui ont combattu aux côtés des Alliés pour la liberté de la France. « Ma présence à cette cérémonie, représentant Sa Majesté le Roi, est d’autant plus significative que de nombreux vaillants soldats marocains ont participé aux côtés de leurs frères d’armes français et africains, à la libération de la France lors de la Seconde guerre mondiale« , a-t-il déclaré.

L’absence du roi Mohammed VI, bien que représenté par son Chef de Gouvernement, n’a pas manqué de susciter des interrogations, notamment dans le contexte du récent rapprochement franco-marocain sur la question du Sahara occidental.

L’Algérie décline l’invitation

L’absence de représentants algériens à cette commémoration a été particulièrement remarquée, étant donné le rôle crucial joué par l’Algérie dans le débarquement de Provence en 1944. À l’Élysée, où la gêne était palpable à la veille de la cérémonie, on a confirmé que les dignitaires algériens avaient bien été invités, mais qu’ils avaient décliné l’invitation.

Cette décision en dit long sur l’état des relations entre Paris et Alger, particulièrement tendues depuis la crise ouverte sur le Sahara occidental. En effet, Alger a retiré « avec effet immédiat » son ambassadeur en France, Said Moussi, et le ministère algérien des Affaires étrangères a dénoncé dans un communiqué un « pas qu’aucun autre gouvernement français avant lui n’avait cru devoir franchir« , faisant référence au soutien exprimé par la France à la position marocaine sur le Sahara occidental.

Dans la foulée de ces tensions, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a laissé entendre que la visite en France du président Abdelmadjid Tebboune, déjà maintes fois repoussée et finalement prévue fin septembre, pourrait être définitivement annulée.

La contribution oubliée de l’Algérie

L’absence de l’Algérie à cette commémoration est d’autant plus regrettable que la 3e Division d’Infanterie Algérienne (3e DIA) a joué un rôle déterminant dans la libération du Sud de la France en 1944. Créée en 1942 au sein de l’Armée d’Afrique, la 3e DIA était composée majoritairement de soldats algériens volontaires. Elle s’est particulièrement distinguée lors des combats pour la libération de Toulon et Marseille, faisant preuve d’un courage et d’une détermination remarquables.

Cette contribution significative de l’Algérie à la libération de la France reste souvent méconnue ou minimisée dans les récits historiques. L’absence de représentation algérienne lors de cette commémoration souligne non seulement les tensions diplomatiques actuelles, mais aussi la difficulté persistante à reconnaître pleinement le rôle des troupes coloniales dans l’histoire de France.

La commémoration du Débarquement de Provence a ainsi revêtu une dimension particulière cette année, mettant en lumière l’histoire partagée entre la France et ses anciennes colonies au regard des enjeux diplomatiques contemporains. Les absences du roi Mohammed VI et des représentants algériens soulignent la complexité persistante des relations entre la France et les pays du Maghreb.

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