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Les propos du président de Reconquête sur BFMTV concernant la colonisation française en Algérie ont provoqué une vive controverse. Face à ses déclarations qualifiant l’Algérie précoloniale de « cloaque », historiens et spécialistes apportent un éclairage documenté qui contredit point par point cette vision déformée de l’Histoire.
Les origines de la conquête d’Alger remises en perspective
Comme le rappelle le chroniqueur Jean-Michel Aphatie, présenter la conquête d’Alger du 5 juillet 1830 comme une opération humanitaire contre l’esclavage ou le piratage maritime est une contre-vérité historique. L’esclavage était déjà en déclin à Alger, et la flotte de pirates avait été détruite par la marine britannique des années auparavant.
Les recherches historiques ont mis en lumière un aspect souvent méconnu des relations franco-algériennes : la dette contractée par la France auprès de la Régence d’Alger pendant la période révolutionnaire. Le non-remboursement de ces emprunts a constitué l’une des sources de tension diplomatique majeures entre les deux pays au début du XIXe siècle.
Concernant la colonisation en Algérie, @ZemmourEric ment dans son long texte de réponse à @RimaHas , soit de manière active, soit par omission.
Présenter la conquête d’Alger le 5 juillet 1830 comme une volonté de défendre les droits humains (esclavage des chrétiens) ou le droit… https://t.co/0YECeycZia— jean-michel aphatie (@jmaphatie) February 8, 2025
« La conquête de 1830 s’inscrit dans un contexte politique français très précis« , explique Benjamin Stora, historien spécialiste de l’Algérie. Charles X, en difficulté sur le plan intérieur, cherchait à renforcer son pouvoir par une victoire militaire. L’incident diplomatique du « coup d’éventail » entre le Dey d’Alger et le consul français en 1827 servit de prétexte à l’intervention.
Les événements qui suivent confirment cette analyse : le 11 juillet 1830, un Te Deum est célébré à Notre-Dame pour fêter la prise d’Alger. Le 25 juillet, quatre ordonnances royales suspendent le parlement et la liberté de la presse. Trois jours plus tard, les « Trois Glorieuses » forcent Charles X à abdiquer. Zemmour passe sous silence ce contexte déterminant.
La réalité de la colonisation de peuplement
Ensuite, les archives témoignent d’une politique délibérée de dépossession foncière. Entre 1840 et 1900, plus de 2,7 millions d’hectares de terres fertiles sont confisqués aux populations locales pour être redistribués aux colons européens. Cette spoliation systématique a bouleversé les structures sociales traditionnelles. L’Algérie voit sa population dépossédée au profit de colons européens (français, espagnols, italiens). Cette politique nécessite des déplacements forcés, des massacres de masse, et l’instauration d’un apartheid de fait : les Algériens, écartés de l’éducation, sont privés de droits civiques, et toute rébellion est réprimée dans le sang.
L’argument sanitaire avancé par Éric Zemmour mérite d’être corrigé car les politiques de santé publique visaient d’abord à protéger la population européenne. Zemmour affirme que la France aurait « éradiqué les épidémies » en Algérie. Jean-Michel Aphatie dénonce le cynisme de cet argument : la politique sanitaire visait avant tout à protéger les colons. Vacciner uniquement les Européens aurait été inefficace, d’où la nécessité de soigner aussi les Algériens. Cette obligation sanitaire ne saurait être présentée comme un acte altruiste.
Les registres médicaux de l’époque montrent clairement des disparités importantes dans l’accès aux soins entre Européens et Algériens. La France n’a donc rien apporté en matière sanitaire à l’Algérie, elle est venue avec du matériel médical pour ses ressortissants et est repartie avec.
Plus généralement, la période coloniale a profondément marqué les deux sociétés. Il ne s’agit pas de nier les infrastructures construites mais de comprendre qu’elles s’inscrivaient dans un système global d’exploitation économique et de domination politique.