Clavel Kayitare, médaillé d’argent aux jeux paralympiques d’Athènes


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Clavel Kayitare, 1m68, 55kg, est un jeune Franco-rwandais, né en 1986 à Kayonza au Rwanda. Victime du génocide rwandais de 1994, il perd toute sa famille à l’exception d’un frère qu’il n’a jamais connu. Son arrivée en France et son ascension dans la course, sont une démonstration de témérité, pour qui veut réussir. A travers son portrait, Clavel Kayitare, toujours avec un sourire plein de gaieté, témoin de sa joie de vivre, se dévoile avec émoi.

Par Morad Ouasti

« C’est mon histoire, ces gens souffrent et j’ai souffert » Tels sont les paroles de Clavel Kayitare, lorsqu’il évoque avec plein de compassion, les images atroces des immigrants clandestins, refoulés du Maroc ces derniers jours. Clavel, né au Rwanda, à Kayonza, a aujourd’hui 20 ans. Médaillé d’argent aux jeux paralympiques d’Athènes en septembre 2004, le coureur se sert de son passé pour garder la tête sur les épaules et continuer d’avancer. « La vie est faite de bonnes et de mauvaises choses, je garde les bonnes et je ne m’attarde pas sur les mauvaises », dit-il avec beaucoup d’assurance.

C’est en 1994, lors du génocide rwandais, que Clavel, 8 ans, perd tous les membres de sa famille, à l’exception d’un frère qu’il n’a jamais connu. La gorge serrée, presque les larmes aux yeux, il confie : « J’aimerais me rendre au Rwanda pour aller le voir et me ressourcer en Afrique, mais je ne peux pas pour des raisons financières. De plus, quand je m’y rendrai, j’aurai besoin d’emmener une personne proche de moi, ça double les frais ». Recueilli par Médecins du Monde, dans un état critique, Clavel a été victime des affrontements terribles du Rwanda. Il relate froidement: « nous étions réfugiés dans une église, une explosion provoquée par une grenade a fait des blessés parmi nous, j’ai été touché ». Les cartilages de son genou seront détruits, ce dernier sera plié à 40°, la rotule quant à elle sera entièrement bloquée. Il subit différentes interventions médicales, visant à lui rallonger sa jambe. Une vingtaine d’opérations sur 4 ans, chaise roulante et béquilles l’assisteront pendant un temps. Aujourd’hui, il porte un fixateur qui lui rallonge sa jambe de 21 centimètres. Avec beaucoup de maturité il dit : « je ne me considère pas du tout comme une personne handicapée, je suis libre de mes mouvements, je suis entre le handicap et la validité ».

Autant français que rwandais

Après son opération, alors qu’il ne sait pas encore qu’il a perdu sa famille, Clavel Kayitaré, sur l’avis des médecins, décide de rester en France pour toujours. Les moyens en Afrique, étant très circonscrits, ne peuvent lui offrir l’assistance médicale qui lui est nécessaire, kinésithérapie, rééducation, etc… « J’ai tout de suite pris la décision de rester ici, c’est une chance de vivre en France. Mais beaucoup de gens ici ne l’ont pas compris et passent leur temps à se plaindre concernant des futilités, vivre en France, est un privilège qui n’est pas accordé à tout le monde », dit-il d’un air dépité.

Du Rwanda, il lui reste des images, des souvenirs, des émotions et un frère qu’il n’a pas encore vu. En France, Clavel s’est trouvé une famille d’accueil qui est aujourd’hui sa « famille », dit-il. Même si au début, la communication se faisait par le truchement de signes et de desseins, car Clavel ne parlait que le kiniarwandais, aujourd’hui il se sent complètement intégré et autant français que rwandais. « Mon identité culturelle est fondée sur le pays où je suis né, le Rwanda, et celui où je suis heureux de vivre et qui m’a aidé à m’en sortir, la France », affirme-t-il fièrement en souriant.

Depuis son plus jeune âge, Clavel a toujours été un passionné de sport. Il joue d’abord au foot, il finira même meilleur buteur de la coupe de France du championnat handisport, en 2000. Il aimerait continuer le sport à l’école. Mais dans un établissement normal, les professeurs de sport ne pourraient pas s’occuper de lui convenablement. C’est alors que, loin de s’imaginer un jour courir sur les plus grands stades du monde, on lui parle du Lycée Toulouse-Lautrec de Vaucresson. Il y a, dit-on, des élèves valides et handicapés. Une aubaine pour lui. La structure de l’établissement est en adéquation avec ses besoins.

Ascension sportive fulgurante

Son arrivée au lycée de Toulouse-Lautrec de Vaucresson (92), marquera le point de départ de sa course à la conquête des podiums. « Dans ce lycée, il n’y a pas de différence entre les élèves, tout le monde fait du sport ensemble, handicapés et valides », explique-t-il. Une rencontre va alors bouleverser son destin. L’enseignant Jean-Louis Meegens. Il repère rapidement les prédispositions du futur champion à la course. Il le suivra sportivement et s’attachera à lui. En 2000, le futur champion est invité en tant que spectateur, aux jeux paralympiques. Dès qu’il voit que des handi-athlètes concourent, grâce à des prothèses et du matériel adapté, Clavel s’enthousiasme, et veut essayer lui aussi. « Au début c’était juste un loisir, je n’ai jamais pensé monter sur un podium ou participer à des internationaux au niveau professionnel ».

La première compétition à laquelle participe Clavel est le championnat de France espoir en salle, en 2001, sur 60m. « Tous les autres étaient équipés de chaussures avec des pointes, j’étais le seul en jogging-basket », dit-il en riant. A la surprise de tous, y compris de lui même, il remporte la course et finit en tête du podium. Tout s’enchaînera très naturellement par la suite. En 2002, il est sélectionné en équipe de France, pour les championnats du monde, cette fois-ci avec l’équipement ad hoc. Il finira à la 4e place sur 200m et à la seconde place sur 100m. On a l’impression qu’il vient juste de remporter sa course, quand il avoue, les yeux grands ouverts avec un sourire jusqu’aux oreilles. « Je n’y croyais pas : finir derrière le champion olympique et champion du monde ! », un Canadien qui sera contrôlé, en 2004, positif au contrôle anti-dopage. Puis il devient champion d’Europe en 2003, vice champion olympique en 2004 sur 100m et 200m. Clavel accumule les victoires, améliore les performances, il va plus vite, plus loin, plus haut. Cette année en Finlande il a de nouveaux brillé en remportant une médaille d’argent sur le 100m et 200m, ainsi qu’une médaille d’or au relais 4x100m.

« C’est une manière de raconter mon histoire »

Sa motivation et ses ambitions ne s’étiolent point. « Pour moi, ces palmes sont une reconnaissance de mon travail, aujourd’hui plus qu’avant j’ai envie de continuer la compétition, je suis surtout intéressé par les internationaux », nous confie-t-il. Sa motivation et son engouement pour le sport et la compétition sont nourrit par son soucis de transmettre son message. Celui de la paix, celui de la volonté. « C’est une manière de raconter mon histoire à ma façon. Je pense que l’on peut arriver à tout, si on s’en donne les moyens », soutient-il avec certitude.

Parallèlement à ses activités sportives, Clavel est sollicité par nombre d’associations et d’établissements scolaires, pour partager ses expériences vécues avec les jeunes générations. Ses interventions régulières lui permettent à chaque fois de transmettre son message d’espoir. Il est, pour beaucoup, un exemple de volonté et de réussite, les gens l’écoutent.

Aujourd’hui il avoue qu’il lui est difficile, par moment, de concilier le sport (8h par semaine), les interventions, les filles qu’ils passent son temps à draguer, « elles me prennent du temps », dit-il non sans outrecuidance et ses études de photographie au lycée Jules Marey de Boulogne(92). Son rêve est de devenir caméraman reporter. Il aimerait plus tard parcourir l’Afrique, pour montrer la réalité du continent. « Souvent, on nous montre des images d’Africains en armes, des images de guerre, véhiculant l’image d’un continent violent. Moi j’aimerais tout simplement montrer le quotidien difficile de la classe populaire africaine, je pense qu’ainsi les gens comprendront pourquoi les Africains décident de quitter leurs pays d’origine, pour l’Europe ».

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