Le court métrage du cinéaste marocain Faouzi Bensaïdi, présenté aux Journées Cinématographiques de Carthage dans la sélection officielle, est une fable noire sur l’impossibilité de communiquer.
Dure vision d’une société marocaine contemporaine écartelée par l’évolution qu’elle connaît depuis un peu plus d’une décennie : le cinéaste dépeint avant tout la profonde coupure entre les générations, le bouleversement des références traditionnelles, l’incompréhension manifeste entre les sexes, et les drames, violents, déchirants, qui s’ensuivent.
Faouzi Bensaïdi a mal au Maroc, c’est visible. Pour qui connaît cette terre encore tellement marquée par les usages d’hier, et déjà balayée par le souffle nouveau des jeunes générations, passionnées de cinéma, de liberté et d’Internet, chaque image de son court métrage sonne juste, éveillant un souvenir, une parole déjà entendue, une situation rencontrée.
Cloisons humaines
Car ce n’est pas seulement la fatalité qui frappe cette famille désunie, en même temps que l’orage fait rage au-dessus du Maroc : le déluge de pluie qui s’abat sur les personnages n’est pas seulement le symbole tangible du cataclysme global qui emporte leurs certitudes. Le ciel leur tombe sur la tête, et l’impossibilité de se parler est plus grave que la coupure du fil téléphonique. Le fil ténu se rompt ce soir là entre parents et enfants, entre les parents eux-mêmes, et en eux-mêmes, le fil qui retenait leur personnalité.
Fragilité des destins humains et solitude radicale : telle est la leçon tragique qui se dégage des images habilement filmées par Faouzi Bensaïdi, qui font culminer, en toute fin du film, l’angoisse qui montait par paliers jusque là. La force du dénouement est de prendre cette angoisse à revers : alors que le spectateur redoutait à chaque instant un peu plus la rencontre inéluctable entre les personnages, chacun d’eux sera au contraire renvoyé à son inéluctable isolement. Sans rémission.