Le film « La Marche », réalisé par Nabil Ben Yadir, est sorti ce mercredi en salle. Il s’agit de la première réalisation cinématographique qui retrace la célèbre marche de 1983, partie de Marseille jusqu’à Paris, pour l’égalité et contre le racisme. Après l’invitation à l’avant-première du film à l’Institut du Monde Arabe, à Paris, dans le cadre du « Maghreb des films », Afrik.com livre sa chronique d’une marche sans fin.
Du rire, de la joie, de l’émotion…Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de « La Marche » une production intergénérationnelle à succès. Le film, sorti ce mercredi dans les salles de l’hexagone, est librement inspiré de la lutte à pied de 1983, à l’initiative d’enfants d’immigrés, pour l’égalité et contre le racisme, vulgairement surnommé par les médias « Marche des Beurs ». Le réalisateur, Nabil Ben Yadir, a subtilement contourné ce cliché. On notera toutefois l’absence d’acteurs noirs au sein des marcheurs.
Les acteurs
On retrouve parmi les acteurs Tewfik Jallab qui joue le rôle de Mohamed, un leader parmi les marcheurs. Après s’être fait tirer dessus par des policiers dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, il prend la tête d’une longue marche insufflée par le père Christophe Dubois (Olivier Gourmet) et inspirée par Martin Luther King et Gandhi. A ses côtés, on retrouve Sylvain l’amoureux introverti (Vincent Rottiers), Yazid le vengeur guitariste (Nader Boussandel) et Farid le makroute (M’Barek Belkouk).
Le départ se fait depuis Marseille jusqu’à Paris, en passant par Lyon. Trois jeunes femmes prennent part au voyage. Parmi elles : Claire la dévergondée (Charlotte Le Bon) ou, pour reprendre ses propos d’antan, « la pute de l’humour », Monia la téméraire (Hafsia Herzi) et enfin Kheira l’irritée qui n’est autre que Lubna Azabal. Le comique et acteur Jamel Debbouze, qui avait pour ambition de réaliser un film sur cette fameuse marche, endosse le rôle d’un toxicomane au comportement trouble.
Le bémol
Et si chacun tient son rôle à merveille, un léger bémol pour la spectaculaire Lubna Azabal. Le jeu de rôle, à peu près joué, de la femme pète-sec et sans cesse agacée, n’était peut-être pas le meilleur choix pour une actrice qui a littéralement transcendé « Incendies » de Denis Villeneuve, et atteint l’état de grâce dans « Goodbye Morocco » de Nadir Moknèche. Erreur d’attribution des rôles ou d’appréciation ? Peu importe, Lubna Azabal méritait certainement beaucoup mieux comme rôle.
La critique
« La Marche » livre des séquences inattendues, comme par exemple la manière dont les renseignements français ont tenté de dissiper avant de soutenir une marche honorifique. Certaines sont en revanche incompréhensibles, voire surréalistes. Bien que cette marche de 1983 n’ait pas été réalisée sans embûches, l’approche du réalisateur, dont le talent n’est plus à présenter, est par moments curieuse. Certaines scènes seraient-elles de trop ? De l’avis de certains spectateurs qui ont eu l’occasion de visionner le film en avant-première, lundi dernier, au Festival du « Maghreb des films » à l’Institut du Monde Arabe (IMA), à Paris, Nabil Ben Yadir a « tellement voulu jouer sur l’émotion que le film surfait sur le « presque lourd » ». Mais grâce notamment à la présence d’acteurs comme M’barek Belkouk, le sourire et même le rire reviennent au galop.
Il est toutefois important de souligner que ce film inédit montre l’image d’une France loin d’être raciste, l’image d’une France rurale et urbaine solidaire. « La vraie France », pour reprendre les commentaires de certains spectateurs. Jamel Debbouze le rappelle d’ailleurs en précisant qu’il s’agit d’ « un film qui prouve que la France n’est pas raciste ». Et rien que pour cela, « La Marche » est un film à ne pas rater.
La conclusion
Il est 23 heures et des poussières, le film s’achève sous les applaudissements du public de l’IMA. Dehors, des SDF dont des immigrés d’Afrique du Nord plantent leurs tentes près de la gare d’Austerlitz pour y passer la nuit. Il est minuit, des travailleurs africains arpentent les couloirs et les voitures du métro parisien pour les rendre propre, pendant que d’autres s’endorment dans leur nid douillet. Instinctivement, on repense aux propos racistes formulés contre la ministre française de la Justice, Christiane Taubira.
« La Marche » c’est aussi ce film qui, trente ans après, fait prendre conscience que la lutte contre le racisme et les inégalités n’est pas tout à fait achevée. Une marche qui a visiblement encore plusieurs kilomètres à parcourir…